L’ami et historien spécialiste de Max Aub, Gilberto Bosques et André Malraux, décédé le 5 août 2022, a écrit une série de Chroniques d’un confinement coronarural, qu’il a envoyées par courriel à ses amis au printemps 2020. J’ai pris la liberté de les rassembler dans ce texte, en hommage à un personnage aussi généreux, honnête et attachant.
1. Mardi, 17 mars.
Ce matin, en tirant le rideau de la porte qui donne sur le jardin, je vois un chevreuil en train de fureter autour de mes pieds de blettes. Il cherche à résoudre le problème que lui pose le filet de protection que j’ai installé il y a quelques jours, car il a déjà rendu visite à mon potager et a boulotté une partie des feuilles de mon rang de cardes. Celles-ci étaient en pleine forme en cet hiver trop doux jusqu’aux visites de ce cervidé. Je sors et vais vers lui pour le prévenir qu’à partir de 12h il devra être porteur d’une attestation de déplacement dérogatoire suite aux mesures annoncées par le Président. Il n’est pas intéressé et s’éloigne à petits bonds jusqu’au fond du jardin, qui jouxte la carrière du Lagon bleu.
À peine entré dans la boulangerie, Didier le boulanger me tend un papier pour m’avertir que dès cet après-midi je devrai parcourir les 200 mètres qui séparent la maison de sa boutique, muni du formulaire que j’ai tenté de communiquer au chevreuil, sous peine d’une amende de 38, voire de 135 euros. Je me dis que je vais menacer le chevreuil d’une sanction similaire en cas de récidive.
Imprégné d’un sens civique qui veut être à la hauteur des circonstances, je sors dans le jardin expliquer aux moineaux qu’ils doivent respecter une distance d’un mètre entre eux pour ne pas se contaminer. Ils se fichent complétement de mes recommandations, trop occupés à babiller sans se soucier des chassés-croisés de leurs postillons et à installer leur nid sous l’une des poutres dépassant du toit.
J’effectue la même démarche auprès du chat des voisins, qui s’est permis de venir se soulager dans la plate-bande bien fine que j’ai préparée hier pour des semis printaniers. En lui précisant que l’amende sera complétée par un coup de pied au derrière si je le surprends en flagrant délit.
À suivre, peut-être…
2. Jeudi 19 mars.
Échaudé par les incartades et le culot de Sieur Gourmet, le chevreuil intrépide, j’ai décidé d’appliquer localement, avec sérieux et détermination, le renforcement de la surveillance des déplacements. J’ai embauché temporairement un vigile, habituellement employé aux services de sécurité de la région Bourbonnais/Beaujolais/Côtes-du-Rhône. Depuis hier soir, il est posté à l’endroit le plus stratégique de la zone : au bout de mon rang de blettes.
Un envoyé spécial de La Montagne a pu obtenir la dérogation de déplacement nécessaire et venir enquêter sur place afin de témoigner de l’efficacité du dispositif exceptionnel mis en œuvre. Il m’a demandé l’autorisation de prendre des photos, admettant, en réponse à mes remarques sur l’intérêt de ce journal, que si celui-ci est centenaire, c’est parce qu’il publie des papiers où la photo occupe trois quarts de la page et réduit à deux ou trois banalités convenues la partie écrite. Je lui ai donné mon accord pour ces clichés en demandant d’en recevoir une copie, mais ai poliment refusé de m’abonner à cette feuille de chou, préférant celles de mon jardin. En exclusivité pour vous l’une de ses photos est reproduite en fin de chronique.
Cette mesure dissuasive semble produire quelques effets car depuis hier je n’ai pas aperçu le cervidé effronté et de plus je note moins de pyramides de taupes chercheuses et de passages de mulots fouineurs entre les rangs de carottes fraîchement semées. Quant aux rangs d’oignons, ils ont rompu la file et s’éparpillent sur une partie du terrain, arguant de leur respect de la mesure imposant une distance d’un mètre entre chacun d’eux.
À suivre, peut-être…
3 Mercredi 25 mars.
Réagissant à ma chronique 1, mon voisin de village Bernard Delallier, qui a pignon (est) sur rue, grand et fidèle ami depuis plus d’un demi-siècle, – depuis ce temps où pour nous tout était normal(e) – m’écrit que « ce virus réalise ce vieux rêve de 68 d’arrêter le délire de la société et de commencer à réfléchir. »
Sa remarque déclenche en moi une envie de fouiner dans les piles de journaux et revues de ces années soixante-dix – Hara-Kiri, Charlie-Hebdo, La gueule ouverte, Politis, Actuel… ‑ que j’ai conservées en bon état en dépit de mes pérégrinations géo-écolo-pédagogiques. Stockées dans une grange, je dois pour les atteindre déplacer une pile de papiers que je viens de rapatrier de mon ancien terrier. Un cahier bleu à spirales s’échappe de la pile et tombe à mes pieds. Je le ramasse et le feuillette : surprise et stupéfaction ! (ne pas confondre avec « stupeur et tremblements », déjà édité et soumis à des droits) : c’est un journal que j’ai écrit d’août 1977 à août 1978, période pendant laquelle je vivais en communauté pour démarrer une ferme en biodynamie polyculture-élevage à Brières-les Scellés, dans le sud de l’Essonne.
Me voilà irrésistiblement happé par la lecture de ce journal, que j’avais complétement oublié, de cette autre et lointaine chronique d’un voyage au PUR – pays de l’utopie rustique – écrite il y a bien longtemps. Pays auquel j’avais adhéré avec enthousiasme, pour lequel pendant deux ans j’ai sué et trimé, fauché et andainé, trait et baratté, tamisé et tané (les mots écrits au fil des pages de ce journal réveillent ma mémoire des travaux d’alors), sarclé et bousillé (une remorque en calculant mal l’entrée dans la cour de la ferme avec un tracteur) … Mais aussi chanté et dansé, bien ri et bien fêté au gré des passages de nombreux amis curieux de voir l’utopie des copains en action. Chronique sobre et minutieuse du travail quotidien, de nos soucis – la mauvaise qualité du fromage, les vêlages difficiles, le gel et la pluie… – et de notre organisation collective avec les forces d’appoint disponibles.
De son poste de garde, le grand-duc de Bourbon m’observe, cherchant à comprendre ma soudaine immobilité introspective, se demandant ce que je peux bien feuilleter avec tant de concentration. Il trouve ces journées un peu trop calmes, d’autant plus que le Sieur Gourmet n’est pas revenu feuilleter les blettes, vraisemblablement découragé par le renforcement des mesures de protection. Il ne pensait pas être réquisitionné pour faire le pied de grue.
4 et 5. (Envoi double, sans augmentation de prix). Jeudi 2 avril.
Le bulletin quotidien reçu de Météo France en fin de semaine dernière m’ayant averti du retour de fortes gelées matinales, j’ai décidé d’élargir les mesures de confinement à mon mirabellier afin de préserver sa somptueuse floraison. Pour parvenir à mes fins (et à mes futures faims de délicieuses mirabelles) j’ai bricolé une yourte bourbonnaise avec des voiles de protection. Les premiers jours tout s’est bien passé : j’ai même découvert avec plaisir que j’ai inventé une cloche à senteurs, un sauna de parfums, car chaque fois que je me glisse sous la yourte je respire avec gourmandise la fragrance des fleurs du mirabellier.
Mais les choses se sont gâtées depuis trois jours avec l’arrivée de la glaciale et implacable bise soufflant de l’est. Ma yourte a commencé à tanguer et à afficher un incongru et inquiétant chignon sur rue, tel un voilier décidé à larguer les amarres pour traverser les grands espaces du bocage et rejoindre la côte Atlantique.
Armé de branches de noisetiers et de pinces à linge, je n’ai de cesse que de renforcer les attaches des voiles, pour qu’elles ne les mettent pas. Je tiens à préciser que j’utilise des pinces « made in Cosne d’Allier », en application des mesures de relocalisations d’urgence prônées par notre président : voir la photo ci-dessous qui indique l’adresse du courriel où envoyer vos commandes par internet afin de privilégier l’étendage et le séchage de proximité : laguelle@laguelle.com
Me voyant accaparé par cette lutte contre Éole, les commensaux du jardin en ont profité pour se rencontrer, en flagrante infraction avec les interdictions de réunion en vigueur. Quand ils s’aperçoivent que j’ai repéré leur délit et que j’en capte la preuve par une photographie, ils se dispersent instantanément pour se cacher dans leur gîte. Que se sont-ils dit ? Ont-ils voté une motion pour être intégrés dans la liste de la fondation WWF des espèces en voie de disparition ? Ont-ils décidé, jugeant le contexte favorable, d’appuyer la campagne de la présidente, Isabelle Autissier, qui à la radio nous incite à désigner WWF comme légataire dans notre testament ?
Je constate avec soulagement qu’aucune taupe ne participait à cette rencontre clandestine… Car s’il y des bestioles qui ne sont pas en voie de disparition, ce sont bien les taupes : je me vois obligé de reporter la plantation des pommes de terre que j’avais programmée cet après-midi car elles ont choisi la parcelle prévue comme terrain de jeux. Et quand elles ne font pas les folâtres dans le jardin, elles ont les oreilles rivées aux chaines d’infos continues. Une consolation : leur présence assidue prouve que la terre de mon potager est bien vivante et riche en vers de terre, mes alliés jardiniers.
Petit coup de pub pour la hulotte, le journal le plus lu dans les terriers et les taupinières. Numéro double 68-69 consacré à la taupe, Dessin p.51
À suivre, peut-être…
6 Vendredi 10 avril.
Non, ne vous inquiétez pas, n’appelez pas le SAMU, ni la cellule d’écoute et de soutien psychologique COVID-19… Je ne suis pas en proie à une crise dépressive et n’ai pas décidé de commettre un geste fatal… Cette photo vous montre l’objet de mon accaparement et non de mon enterrement. Et vous révèle la cause du délai d’envoi de cette chronique : je m’active pour créer une mare au milieu du potager afin de récupérer l’eau de pluie du toit de la maison.
La région Bourbonnais/Beaujolais/Côtes-du-Rhône a déjà chaud et soif : il n’est pas tombé une goutte d’eau depuis plus de trois semaines et aucun passage pluvieux n’est annoncé dans la prochaine quinzaine. Zeus semble nettement moins motivé qu’Éole. Mais pas question d’abdiquer, de me résoudre au manque d’eau, car je tiens, comme les années précédentes, à pouvoir arroser les pieds de tomates de Lucien.
Mon ami Lucien/Luciano est arrivé en France, à la gare de Latour-de-Carol, le 29 janvier 1939 avec sa petite sœur Palmira et sept-cents autres enfants espagnols évacués d’Espagne où ils avaient été regroupés dans des centres pour les protéger des bombardements. Puis Lucien et sa sœur ont été envoyés dans différents refuges dans l’Orne, puis à l’île de Ré, puis à La Tremblade-Les Mathes dans un sinistre camp d’internement, avant de pouvoir retrouver leurs parents en Gironde, à Puymirol, plus de trois ans après avoir été séparés d’eux.
Plus de 80 ans après avoir subi ces épreuves, après avoir souffert la guerre et l’exil, Lucien continue de jardiner. Il a semé des graines de tomates le 5 avril, va veiller sur leur croissance pendant cinq semaines, et juste après les saints de glace il nous téléphonera – les ami(e)s de l’association des Républicains espagnols locale – pour nous inviter à passer les prendre. Fabiola, Béatrice, les ami(e)s qui ont fait escale à Louroux au cours des étés passés savent combien les tomates de Lucien, qu’il appelle « tomates de Valencia », sont délicieuses.
Mais réussirai-je à sortir de mon refuge pour aller les chercher ? Jour après jour la nature profite de mon confinement pour cerner la maison : les marches de la porte d’entrée sont conquises par les pavots de Californie qui exposent fièrement leur lumineuse gaieté ; la vigne vierge commence à enserrer la maison et je ne peux plus ouvrir la porte qui donne sur le jardin, scellée par de vigoureux rameaux :
Les cerisiers, majestueux et solidaires de cette mobilisation générale de tous les végétaux, déploient leurs bras fleuris dans l’azur, présences magnifiques et silencieuses, ou peut-être gestes d’alerte par lesquels ils nous questionnent :
« Saurez-vous retrouver les chemins de la raison et sauvegarder les arbres fruitiers et la faune, les forêts et les océans, saurez-vous préserver la biodiversité de la nature ? »
Depuis quelques semaines, les discours de ceux qui nous gouvernent se teintent d’humanisme, s’imprègnent d’une soudaine lucidité. Ils disent assumer l’arrêt de l’économie pour sauvegarder nos vies, se déclarent favorables à la revitalisation des services publics, aux relocalisations et même à des renationalisations. Mais en arrière-plan de ces belles déclarations d’intentions, les places boursières continuent de fonctionner comme si de rien n’était, comme si le coronavirus, la pandémie actuelle ne pouvaient pas fondamentalement menacer le révéré CAC 40 et ses temples sacrés dans lesquels se cultivent ces autres virus, eux aussi très mortifères : la spéculation financière et le profit à tout prix.
À suivre, peut-être…
7 Samedi 18 avril.
Parmi les commentaires reçus en ricochet de ces chroniques – ils seront prochainement l’objet d’une chronique spéciale, envoyée sans modification du tarif de l’abonnement – plusieurs déclarent les lire comme les épisodes d’une fable et s’interrogent sur la morale qui en découlera. Il est prématuré de la dévoiler, d’autant plus qu’un événement nouveau est survenu mardi 14 avril.
La veille, cédant à l’envie de tester la fiabilité de ma réalisation aquatique, j’avais mis la mare en eau par la grâce de l’ouverture d’un robinet, le ciel, sans trace du moindre nuage ni visible ni annoncé, excluant tout recours prochain à sa générosité. Inauguration couronnée de succès, de reflets aussi car les cerisiers l’ont immédiatement étrennée comme miroir pour vérifier la beauté de leur blanche et légère parure.
Mardi matin donc, en ouvrant le rideau du salon, je vois une forme immobile perchée en bord de mare. Me viennent alors en mémoire les récents propos de mes voisins Claudine et Yasuji sur les visites régulières d’un héron dans leur mare, dans laquelle ils ont lâché quelques poissons. Vérification oculaire faite, c’est bien lui, immobile, passablement dépité de contempler un plan d’eau parfaitement clair mais complétement vide, sans la moindre bestiole à se mettre sous le bec. Je cours récupérer mon appareil photo pour capter cette visite inaugurale et ai juste le temps de faire un cliché avant qu’il ne s’envole, m’ayant probablement aperçu.
Ne pouvant espérer recevoir d’autres visites par l’étang si court, et très affecté par la décision de notre président de prolonger le confinement jusqu’au 11 mai, j’avoue traverser des moments difficiles. Je reste posté de longues heures au-dessus de la mare pour observer les premiers dytiques l’ayant investie, tous occupés à d’infatigables allées et venues pour faire provision d’oxygène en surface avant de replonger. Je m’enivre avec des alcools forts, je m’étourdis en mastiquant des plantes hallucinogènes présentes en abondance dans les basses vallées du HautBocage bourbonnais :
D’autant plus que décidément, la liste des commensaux filous continue de s’allonger : au chevreuil, il est vrai invisible depuis quelque temps, aux taupes qui fouillent dans mes tiroirs de jardin, aux mulots dérangeurs de semis, aux merles chipeurs de petits pois, je dois maintenant ajouter le héron kidnappeur. Car à n’en pas douter, celui-ci va rapidement s’intéresser de près au poisson rouge que, pour sortir de ma léthargie éthylique, je suis allé prélever dans un milieu local pour l’inviter à faire des bulles dans le bassin. Faudra-t-il que je veille jour après nuit pour préserver les chances de survie de mon nouveau pensionnaire ?
Ceci est un poisson rouge. (D’après Magritte).
À suivre, peut-être…
8 Dimanche 26 avril.
Notre président ayant décidé que le 11 mai serait la journée nationale du déconfinement, je commence à me préparer pour retrouver la civilisation et descendre à Montluçon, mégalopole énorme et grouillante, cœur battant et dynamique de la région Bourbonnais/Beaujolais/ Côte du Rhône. Pour celles et ceux d’entre vous qui ne sont pas tout à fait certains de pouvoir localiser cette ville capitale, je joins quelques indications :
Elles ne sont peut-être pas tout à fait actualisées car le dictionnaire que j’ai consulté – le Larousse qui m’a été offert en juin 1965 pour mon certificat de fin d’études primaires – s’assoupit dès que je le referme, sans aucun souci de mise à jour.
Hier donc, j’étais absorbé dans cette préparation d’un retour à l’anormal, m’efforçant d’acquérir le vocabulaire qui depuis quelques semaines s’est disséminé par toutes les voies, orales, portables et insupportables – traking, contact tracing, application StopCovid, immunité GG… – au cas où cette terminologie deviendrait une connaissance obligatoire et l’objet de contrôles de niveau par des brigades mobiles. En pleine tentative d’assimilation, j’ai constaté une soudaine baisse de luminosité, non la mienne mais celle de la pièce. D’énormes nuages noirs ont envahi le ciel, poussés par un vent chaud et poisseux. Jupiter a commencé à gronder et à lâcher des escadrons de gros grêlons tambourineurs en ouverture d’un concert pour un sextuor – non pas à cordes mais à glaçons – pour trois fenêtres et trois vélux. Rapidement le jardin s’est recouvert d’une couverture perlée blanche, tandis que la gouttière de récupération d’eau déglutissait des cascades de grêlons allant se jeter furieusement au beau milieu de la mare :
Celle-ci n’en demandait pas tant et tel un fjord de Patagonie elle commença à se soulager en répandant son trop plein au milieu des pieds de fraisiers qui au même instant se faisaient systématiquement guillotiner par ce déluge céleste.
Quand celui-ci s’est enfin calmé, j’ai chaussé mes sabots et suis allé constater le terrible sabotage de ma dévotion potagère. Vision désolante !
Traces signalant d’ex-rangées de pommes de terre /Dentelle de rhubarbe. /Fraisiers sans queue ni tête.
Avec lenteur et abattement, j’ai composé le menu de mon dîner : épinards hachés, purée de blettes, lambeaux de feuilles de petits pois et bouillie de pieds de pommes de terre.
Ce matin je suis encore sous le choc, j’ai de grandes difficultés pour me remettre au télétravail et terminer cette chronique. D’autant plus qu’un nouveau constat des outrages subis accroît mon désarroi : des cerises reposent aux pieds des fraisiers, pendant que des fraises gisent aux pieds des petits pois. Avons-nous seulement à faire face à un changement climatique ou sont-ce les premiers symptômes potagers d’une mutation biologique ? La tâche du jardinier va décidément devenir très compliquée :
Je me sens trahi par Jupiter et la moutarde me monte au nez. Ne voulant pas inutilement laisser sourdre la colère, je décide une mesure de distanciation du pot, mais quelle n’est pas ma surprise en lisant l’étiquette indiquant l’origine. J’ai besoin de me rassurer, aussi je replonge dans le dictionnaire pour vérifier que Dijon n’est pas située dans la même province que Wuhan, ce qui autoriserait les suppositions les plus alarmistes sur la véritable composition et sur le procédé de fabrication de sa fameuse moutarde.
Au moment de mettre les points de suspension à cette huitième chronique, la météo locale annonce des risques d’orages avec chutes de grêle pour mardi après-midi. La terre est pleine de bleus quand frappe l’orage, dirait peut-être aujourd’hui Aragon.
À suivre, peut-être…
9 Samedi 9 mai.
Pendant des heures, des jours je suis resté prostré, effondré dans ma chaise-longue, perdu dans les brumes de l’abattement, très masqué par l’épreuve, le dos tourné au jardin pour ne plus voir les séquelles de cette fatidique colère céleste du 25 avril :
Mais de partout vos messages de solidarité sont arrivés, chaleureux, fraternels, générant une grande vague d’émotions sur terre comme sur mare. J’ai vu les pommes de terre reprendre pied, ravigotées par cette multitude de lettres, télégrammes, dépêches et câbles arrivant du monde entier. J’ai vu rougir les fraises d’émoi et grossir les petits pois qui ont retrouvé goût à la rondeur des joues.
Vous avez constitué un magnifique et stimulant comité de soutien qui m’a permis de sortir de ma torpeur et de reprendre mon râteau de contadin. Grâce à vous, le jardin a repris couleurs, senteurs et vigueur. Merci !
Les mêmes rangs de pomme de terre que ceux photographiés après l’orage, Photo du 7 mai.
Il est vrai aussi que quelques jours avant ce fatidique 25 avril, Annie et André m’avaient communiqué un numéro verre à appeler pour se procurer un breuvage à la fois protecteur et tonifiant qui, je l’avoue m’a aidé à remonter la pente :
À suivre, peut-être…
NOTE: Suit une série de citations tirées de sa correspondance avec des amis, que je ne reprends pas dans cette chronique afin de respecter leur confidentialité.
Merci Gérard d’être présent dans nos vies, où tu as laissé une trace indélébile. Toujours dans nos cœurs.