3. LA PRÉPARATION DU TOURNAGE : MARS-JUIN 1938
INDEX
3.1. L’ESPAGNE A BESOIN D’UN FILM. Paris, mars 1938.
3.2.- MAI 1938 – Max Aub rejoint le groupe.
3.3. JUIN 1938 -Boris Peskine.
BIBLIOGRAPHIE DE BASE DISPONIBLE.
3.1. L’ESPAGNE A BESOIN D’UN FILM. Paris, mars 1938.
Mars pluvieux à Paris. À travers la buée des fenêtres de La Closerie des Lilas, des images de parapluies et des gens qui courent ; gouttes glissant sur le verre. Deux hommes assis face à face se tournent à l’unisson au bruit de leur voisin qui ouvre ostensiblement Le Figaro du jeudi 17 mars 1938. À la une, deux gros titres : «L’armée du général Aranda suit sa progression. Conquis 7000 km2 en huit jours», et à côté des déclarations de Chamberlain à la Chambre des communes : «L’Angleterre n’a pas l’intention de se pincer les doigts en Espagne».
Ils se regardent. André Malraux fait le geste de se lever, que Éduard Corniglion-Molinier freine en le saisissant de l’avant-bras.
– Encore une nouvelle, dit-il. La droite gonfle tout.
– C’est pour cette raison qu’il est plus nécessaire que jamais de faire avancer notre projet.
Quelques jours auparavant, dans une déclaration à la presse américaine, Éduard Corniglion-Molinier, producteur de films et aviateur, a annoncé la création de la société de production Interallied Films, avec un partenaire américain, John Otterson. Il explique qu’ils ont l’intention de mettre à l’écran diverses œuvres d’André Malraux, son compagnon de table. Parmi elles L’espoir y La condition humaine, et même Le temps du mépris[i]. Il a précisé que ce ne serait pas à Hollywood, mais à New York. Il a ajouté qu’il entend alterner cette activité avec la production en France de deux ou trois films par an à travers la société de production cinématographique qu’il a constituée avec le couple Tual[ii]. Cependant…
– Je ne peux rien te promettre. Oui, je l’ai dit, mais le projet est encore vert. En outre, mon Mullenard[iii] n’a pas fonctionné comme prévu, et Drôle de drame encore moins. Je ne crois pas que ce genre d’humour soit compréhensible. Denise Tual est très déçue. Quand elle a lu His first Offense, elle est venue me voir tout de suite, elle pensait que ce serait un succès, mais vous voyez, une histoire d’humour noir sur un archevêque extravagant… Ça n’a plu à personne. Pas étonnant que Gaumont ne voulait pas la distribuer ! Seulement le prestige de Saint-Exupéry et le fait de leur offrir le[iv] Courrier du Sud leur a permis de l’accepter. Mais le peu d’intérêt qu’ils ont eu à en faire la promotion ! Je les ai présentées en Amérique, mais ils sont sur une autre longueur d’onde. Et ici, l’heure n’est pas à la fantaisie. Il y a tellement de tension dans les rues.[v]
La frange de Malraux s’agite, comme pour chasser les mauvais présages.
– Mais l’Espagne en a besoin. Et moi aussi.
Les avances que Gallimard lui a donné pour L’espoir s’épuisent. Maintenant ou jamais ! Lebrun a rappelé Blum à la présidence du Conseil. Une parenthèse de gauche sur une marée de droite qui avance. La crise économique ne cesse de s’aggraver et la rue est agitée.
– Pensez-vous que le gouvernement français… ?
– J’en doute fort. Il s’agit d’un projet pour la République espagnole. Ils ne veulent pas faire de déclaration.
– En tout cas, Éduard, tu peux m’aider à rassembler une équipe technique solvable, non ? Je, tu sais, j’ai été avec Eisenstein, j’aime le cinéma, mais je n’ai pas assez de liens avec ce monde.
On apporte deux soles meunières. Malraux scan Puilly-fumé dans les deux verres.
– Le scénario est clair ?
– Non, pas encore, mais j’ai beaucoup de notes. L’histoire de mon escadrille suffirait pour plusieurs films. Beaucoup de fragments que j’ai déjà inclus dans L’espoir pourront servir. Il y aura sûrement le bombardement d’un aérodrome ennemi, la lutte aérienne, la chute d’un appareil et les paysans qui vont chercher les blessés. J’ai déjà quelque chose d’écrit chez moi. Mais je vais avoir besoin d’un scénariste professionnel pour les détails.[vi]
– Avez-vous parlé à Prévert ? Dans Drôle de Drame, il a fait un excellent travail, en particulier avec les dialogues[vii].
– J’ai demandé au PCF, mais ils ne m’ont pas donné beaucoup d’informations. Depuis la dissolution du groupe Octubre ils disent qu’ils[viii] ne savent rien de lui.
– Tenez. Appelez-le à ce numéro.
Corniglion l’écrit sur une serviette qu’il donne à André. Puis, il fait face au poisson. La bouche pleine, lève la tête et pointe la fourchette. Une fois la bouchée avalée, indique :
– Pour la partie espagnole, Corpus Barga pourrait vous servir. Et pour la musique, vous pourriez essayer avec Darius Milhaud, Son Bœuf sur lui toit est génial et à Mollenard a collaboré efficacement. Je le connais, je pourrais lui parler.
– J’avais pensé à Gossec. Son ouverture du Requiem, avec ces coups de grosse caisse comme des coups de canon… Nous verrons. Nous devons y réfléchir. Production, photographie, scénario… Je veux les meilleurs.
– Mais il faudra payer. Voyons ce qu’on peut faire, ce sur quoi on peut compter, et on s’y met. Nous ne manquerons pas de bons professionnels. Vous le tournerez en France, je suppose ?
– C’est le but. Je demanderai aussi l’aide de l’ambassadeur Ossorio. Mais on ne peut pas perdre de temps. Chaque jour, les fascistes gagnent du terrain. De plus, aux États-Unis, l’idée qu’ils devraient autoriser la vente d’armes à l’Espagne est de plus en plus répandue. Il est temps de pousser les gens à faire pression. Imaginez-vous un film qui agiterait l’opinion publique ? Quand j’étais à Hollywood… je sais que Roosevelt a vu Terre d’Espagne, et il ne m’a pas reçu. Mais je sais aussi que l’œuvre d’Ivers est plus un reportage qu’une création. Je mettrai les gauchistes américains sur pied.
Et la conversation continue au fil des souvenirs, enchaînant les anecdotes des séjours des deux convives qui, à un an d’intervalle, avaient visité les États-Unis, revenant par hasard sur le même bateau, dont ils commentent le confort et la gastronomie. L’Amérique, 1800 salles, des millions de spectateurs… Le sénateur Nye prévoit de déposer un amendement au Neutrality Act qui empêche de vendre des fournitures aux pays en guerre. Il faut prouver qu’il s’agit de la défense de la légalité soutenue par la grande majorité de la population, et pour cela rien de mieux que de toucher la corde sensible de millions d’Américains.
Oui, réaliser un film. Mais avec qui ? La plupart de leurs interlocuteurs entretiennent des relations plus ou moins étroites avec le Parti communiste français, qui souffre d’être isolé par les autres forces politiques. Bien que Blum, plus à gauche que Chautemps, plus favorable à l’aide à la République espagnole, ait de nouveau présidé le gouvernement, le Front populaire fait de l’eau partout.
Il reste à se revoir dans deux ou trois semaines, pour mettre en commun les avancées dans le projet d’un film basé sur le roman L’espoir.
Ils le font le 7 avril, le jour même où Léon Blum démissionne en voyant ses projets de contrôle financier et de change, ainsi que de soutien à l’industrie de l’armement, refusés depuis son retour à la présidence. Son successeur, Édouard Daladier, renversera les progrès sociaux réalisés par le Front Populaire, ce qui provoquera des troubles dans la rue et des grèves dans de nombreux secteurs.
Cette fois, ils sont à trois. André Malraux a amené le Belge Marcel Defosse[ix], connu sous le nom de Denis Marion, dont il est fier d’être ami, depuis qu’il avait publié dix ans auparavant des critiques élogieuses de son roman Les conquérants. La relation a été réaffirmée depuis les jours du IIe Congrès des écrivains pour la défense de la culture, à Valence et à Madrid, auquel ils ont tous deux participé. Marion salue Corniglion, qu’il connaît d’autres rencontres.
– Bonnet ne veut pas qu’on nous donne un franc. Je l’ai senti à toutes les portes où j’ai frappé.
George Bonnet, ministre des Finances, qui assumera ensuite le ministère des Affaires étrangères, est partisan de la non-intervention et de l’apaisement avec Hitler en accord avec le Premier ministre britannique Chamberlain.
Corniglion-Molinier, qui assume déjà le rôle de producteur, veut éviter la dérive pessimiste qui peut faire échouer le projet, et avec l’argent qu’il engage déjà, il va devoir tenter sa chance.
– Qu’est-ce qu’on a pour l’instant ?
Ils sont assis dans un coin de Chez Allard[x], modeste bistrot du V arrondissement avec une excellente cuisine. Malraux ne peut même pas attendre le Kirr qu’ils viennent de demander :
– J’ai presque tout l’équipement. Prévert ne pouvait pas s’occuper du script, mais il m’a recommandé Page pour la photographie. Celui-ci non seulement accepta, mais proposa à sa femme Paule comme script. Prévert m’a dit que sur Quai de brumes, qui est sur le point de sortir, a fait un travail pertinent.
– C’est un grand professionnel. Il y a quelques années, il a déjà participé en tant que cameraman à La kermesse héroïque de Feyder. Quel film ! – ajoute Marion, qui l’a vue en Belgique. Je pourrais aussi amener André Thomas qui l’a accompagné dans ce film.
– Vous me l’avez déjà suggéré. Ça dépend du budget.
Corniglion-Molinier tord le geste. Il ne peut, et ne veut pas, prendre plus de risques économiques que ceux que, bien sûr, directement ou indirectement, l’aventure lui apportera. Malraux poursuit :
– Voici une première version du scénario. De là, il sera facile de développer l’ensemble. J’ai pensé qu’on pourrait appeler le film «Sang de Gauche».
Devant le geste interrogateur des deux autres, il ajoute :
– C’est un petit épisode de mon roman. Il sort un exemplaire de Gallimard d’un portefeuille qu’il a apporté et cherche un point marqué et lis[xi] :
Quand Lopez sortit de la Jefatura, des enfants revenait de l’école, cartable sous le bras. Il marchait, bras en ailes de moulin et regard perdu, et faillit marche dans une flaque noire : un anarchiste l’écarta, comme si Lopez eut failli écraser un animal blessé :
—Prends garde, vieux, dit-il. Et, respectueusement : « Sang de gauche ».
Corniglion, serre les lèvres :
– Très sombre – Pensez-vous qu’il puisse avoir un attrait aux Etats-Unis, je ne pense même pas en France, avec ce qui se passe… ?
– Oui, -ajoute Marion-, d’après ce que tu m’as dit, ce sera toujours un film de guerre, avec du sang, bien sûr, mais aussi avec l’espoir de la victoire.
Malraux se tait qu’il y a longtemps, encore à bord du Normandie de retour des États-Unis, il avait pensé d’intituler son film Chant funèbre pour les morts de la guerre d’Espagne. Définitivement écarté.
– Espoir ? – intervient à nouveau Corniglion, en notant le nom qu’aura le film six ans plus tard.
– Non, Espoir non. Trop proche du roman. Cela créerait la confusion, car ce n’est pas une transposition du livre à l’écran. Si seulement une référence à la bataille est racontée. Sierra de Teruel serait bien.
– Bien, continuons. Que manque-t-il ?
– Les acteurs. Bien que mon intention soit de prendre des gens ordinaires, je vais avoir besoin de quelques professionnels pour soutenir l’histoire. Je pensais à Von Stronheim. Il était génial dans La grande illusion[xii]
– Mais il est trop vieux. Et cher. C’est une star, il a travaillé à Hollywood. Il a plus de cinquante ans. Dans quel rôle l’imaginez-vous ? – note Corniglion.
– Je le vois comme un pilote allemand qui s’intègre dans l’escadrille, qui essaie de piloter et échoue en se faisant mitrailleur, et qui meurt au combat[xiii]. Son attitude d’aider en quoi que ce soit touchera le public. Il n’y avait pas d’Allemands dans l’escadrille, mais cela donnera une idée de la diversité de ses membres.
Dans un geste d’incrédulité que Marion désapprouve, Corniglion suit son enquête :
– Et qui d’autre ?
– Pierre Larquey, dans le rôle du commandant de l’escadrille, Magnin.
– Ce serait plus abordable. Plus âgé aussi. Il y a quelques années, il a eu une certaine renommée dans le théâtre de variétés.
Malraux coupe pour de bon. Il se tait, allume une cigarette, les regarde. Le serveur hésite à leur retirer leurs assiettes, choisissant de rester debout.
– On va en Espagne. Allez !
Corniglion et Marion se regardent stupéfaits. Malraux suit son exemple :
– Ce sera une arme de propagande. Le cinéma génère des émotions, des mythes, pousse les gens à prendre parti. Quand ils sortent d’une salle, ils surgissent de l’obscurité avec un visage différent, avec un regard influencé par ce qu’ils viennent de voir. Nous allons diffuser mon film aux États-Unis, oui, mais aussi en France, cette France qui vient de se débarrasser de Blum, et pourquoi pas, en Angleterre, regarde Corniglion, ou en Belgique, se tournant vers Marion. La République peut payer. Il suffit de demander. J’ai de quoi appuyer ma demande, souligne-t-il avec un clin d’œil mystérieux. Quand nous saurons de quoi nous disposons, nous clôturerons le chapitre des acteurs.
L’aviateur et producteur de films annonce :
– J’ai une autre surprise : les studios Pathé. J’ai parlé à Denise, Denise Tual, collaboratrice de ma société de production. Il va nous aider. Son mari Roland dit que je peux compter sur son équipe.
Corniglion, que l’idée du financement espagnol a quelque peu soulagé, tente de freiner, sans succès, la poussée de son ami :
– Pathé ? Avec ce qui se passe ? Tual a fait quelque chose à mon Mollenard, mais les ouvriers, je ne sais pas…, je ne sais pas. Avez-vous pensé à Roland, votre frère ? Il a travaillé comme assistant d’Allegret au Lac de Dames, il n’y a pas si longtemps.
– Ne parlons pas de la famille. Il est encore très jeune[xiv]. Oui, et pour Pathé, je sais ce qu’ils ont traversé[xv]. Mais ils ont levé la faillite. Natan ne soulèvera pas la tête, et en plus il est juif, mais Tual a un certain nombre de compagnons du parti qui l’aideront, nous aideront, dans tout ce qu’ils peuvent. Demain, je demande une audience avec Alvarez del Vayo à Barcelone. Et si je peux, Azaña ou Negrin. Denis, tu te souviendras avec quelle chaleur et empathie Vayo nous a accueillis à Valence, quand il est venu inaugurer le congrès, bien qu’Azaña nous ait méprisés. Il ne peut pas nous décevoir.
Le repas continue avec les effluves de fantaisie de Marion et Malraux, modérées avec une certaine prudence de la part de Corniglion. À la sortie, le printemps commence à verdir les arbres de la rue Saint André des Arts.
André Malraux continuera à construire le scénario, ajoutant quelques scènes de son expérience en Espagne, certaines déjà incluses dans L’espoir. Cependant, il se rendra compte de son déficit technique et cherchera un collaborateur de prestige en contactant Boris Peskine[xvi], juif né à Saint-Pétersbourg et naturalisé français, expérimenté dans les documentaires. C’est aussi un ami de Page. Malraux a vu un de ses reportages sur les chemins de fer français qui l’a enthousiasmé[xvii]. Celui-ci acceptera en principe, en attendant de connaître ses émoluments, ce qu’André ne peut pour l’instant garantir.
Fin avril, André téléphone à Corniglion-Molinier.
– On va enfin en Espagne. Alvarez de Vayo nous reçoit le 16, dès son retour d’un voyage à Genève. Ils ne peuvent pas refuser. Je leur apporte une fortune. Ils ne pourront pas refuser qu’une petite partie soit consacrée à une propagande si nécessaire.
En guise de lettre d’introduction, Malraux a recueilli de diverses organisations le montant de dons de soutien à la République provenant d’humbles collectes populaires ou de généreux donateurs, comme celui de l’écrivain allemand Emil Ludwig d’un demi-million de pesetas[xviii].
Le même après-midi, il se rend à Joinville-le-Pont pour voir Roland Tual, directeur adjoint des Studios Pathé.
La réceptionniste l’a regardé bizarrement. Malraux est considéré comme un dangereux gauchiste et les gestionnaires qui ont repris la direction du centre après la faillite attribuée à l’ancien président sont très réticents à toute relation de l’entreprise avec des gens considérés comme partisans du Parti Communiste ou proches de lui, comme l’est Malraux.
– Aide-moi à préparer le dossier pour Alvarez del Vayo. On ne peut pas échouer. Même Negrín sera d’accord pour nous aider dans le film, mais on doit le mériter. Je sais ce que je veux, mais j’ai besoin que tu lui donnes un air technique qui l’impressionnera. Et nous n’avons que deux semaines.
3.2.- MAI 1938 – Max Aub rejoint le groupe
Trois personnes regardent le ciel sur le petit aérodrome de Latécoère, à Prat de Llobregat. Ils sont inquiets. Il est vendredi 13 mai midi, ils ne savent pas s’ils pourront manger quelque chose avant l’arrivée
de l’avion qu’ils attendent. En milieu de matinée, il y a eu un combat aérien qui l’a peut-être obligé à faire demi-tour. Ils attendent depuis une heure. On apprendra plus tard que dans le port, malgré l’intense défense anti-aérienne, le Ciudad de Sevilla a été bombardé, entraînant le naufrage de son pont. Il y a eu des victimes[xix]. Heureusement, en partie à cause du mauvais temps, il n’y aura plus d’attaques jusqu’au 28, même s’il y aura de nombreuses tentatives qui provoqueront de fréquentes alarmes.
Il arrive enfin[xx]. André Malraux et son ami Édouard Corniglion-Molinier, qui avait piloté, descendent. Ils se saluent. L’un de ceux qui attendaient leur montre une voiture de luxe devant le portail. Les autres prennent en charge deux lourdes valises qu’ils ont sorties de l’avion. Ils montent et repartent rapidement vers Barcelone. Ils n’ont pas pu manger, ils sont attendus au Trésor, où les recevra Méndez Aspe, ministre depuis le mois précédent, qui leur transmettra la gratitude et l’intérêt de Negrín, toujours à Genève, pour leur activité.
Fatigué, en entrant dans l’hôtel pour prendre une douche et dîner, André rencontre Jaime « Met » Miravitlles, le commissaire à la propagande de la Generalitat de Catalogne. Ils se connaissent depuis qu’au début de la guerre le Français lui rendit visite dans son bureau du Comité des Milices Antifascistes, dont le Catalan était le secrétaire[xxi].
— Bonjour, comment s’est passé le voyage ? J’ai une table à La Puñalada, nous allons dîner et nous pourrons bavarder.
C’est ce qu’il dit, sans rupture de continuité, même avec la main de Malraux tenue par le salut. En voyant son visage, il ajoute :
— c’est ici, tout près. Et on mange bien. Nous parlerons de cinéma.
Miravitlles attendait la visite d’un écrivain renommé qu’il admire ouvertement[xxii]. Il en a parlé à Laya Films, la société de production de la Generalitat. Également avec des collègues de Film Popular, avec lesquels ils échangent des rapports, des images d’archives et du matériel de tournage, et qui lui ont proposé de l’héberger dans leurs locaux pour le mettre au courant des reportages qu’ils réalisent.
Pendant le dîner, la conversation tourne autour du thème du cinéma. Laya Films, qui dépend du Commissariat à la Propagande dirigé par Miravitlles, a une activité frénétique, dont le Catalan veut enregistrer. Malraux et Corniglion écoutent attentivement le français parfait de Met Miravitlles. De temps en temps, ils se regardent, les références au matériel, aux installations, au personnel spécialisé de Laya Films ouvrent un monde de possibilités, mais ils gardent le projet confidentiel, en attendant les fonds que la République pourrait accorder, lors de la rencontre qu’André a avec Álvarez del Vayo et Negrín. Ils leur ont parlé des querelles, de la méfiance entre les deux administrations.
Miravitlles veut préciser que le soutien de la Generalitat sera large, généreux… de toutes les manières possibles. Pas de l’argent, mais des voitures, des locaux :
— demain, dès que vous le pourrez, je vous montrerai les installations du Commissariat. Vous verrez. Vous pourrez vous y installer pour tout ce que vous avez à faire en Catalogne.
— Je suis sûr que nous y arriverons très bien, même si l’intention est de tourner le plus possible en France. Avec la guerre, les bombardements et les difficultés que pose mon pays à la frontière, ce sera la chose la plus prudente à faire. Mais je suis sûr que certaines prises devront être faites ici. Merci beaucoup. Voyons ce que disent les autorités espagnoles.
- La situation est difficile, mais il faut les convaincre de la nécessité d’une propagande de qualité, exportable dans le monde entier. Et vous êtes les seuls à pouvoir le faire.
Le samedi 14, la presse rapporte l’arrivée de l’écrivain français, porteur d’une donation à la République de 7 000 000 de francs, dont 500 000 ont été donnés par le célèbre écrivain allemand Emil Ludwig[xxiii]. Ils ajoutent qu’il a l’intention de réaliser un film sur la guerre. Alors que La Publicitat rapporte que certaines scènes seront tournées en Espagne[xxiv], El Diluvio affirme qu’il sera entièrement tournée en France[xxv].
À l’hôtel, un représentant du ministère d’État lui remet un exemplaire d’El Diluvio. En première page, les échos de l’intervention d’Álvarez del Vayo[xxvi] à la Société des Nations. Il traduit gentiment et il loue l’effort du ministre pour souligner l’injustice de la non-intervention, la non-conformité de l’Allemagne et de l’Italie, en essayant d’attirer l’attention des présents, mais c’est un sujet qui les met mal à l’aise. En fait, depuis le début de la session, le thème prédominant a été le conflit entre l’Italie et l’Éthiopie. Le ministre a insisté : « Il ne s’agit pas d’une guerre civile, mais d’une guerre d’invasion… Si l’on ne prête pas attention à nos revendications et plaintes, la responsabilité incombera aux initiateurs de l’idée (de non-intervention) : la France et l’Angleterre »[xxvii]. Dans quelques jours, le discours sera édité en plusieurs langues par le Rassemblement pour la paix. Cependant, même si un documentaire montrant des prisonniers allemands et italiens a été projeté en signe de non-respect de la non-intervention[xxviii], le résultat sera décevant, seuls l’URSS et le Mexique votant pour, quatre contre (Angleterre, France, Pologne et Roumanie) et neuf abstentions (Chine, Équateur, Pérou, Iran, Suède, Lettonie, Nouvelle-Zélande, Belgique et Bolivie)[xxix]. Des abstentions, a ajouté l’homme politique, visiblement cyniques.
Malraux, avec sa connaissance précaire de l’espagnol, essaie de trouver des idées qui puissent l’aider pour la rencontre qu’il aura lundi avec le président. Il lit la chronique d’Andrée de Viollis dans Ce soir. Ils lui ont apporté un exemplaire du 13[xxx], où le journaliste qualifie de pathétique l’intervention d’Álvarez del Vayo, dans une séance au cours de laquelle les agressions de l’Éthiopie par l’Italie et de la Chine par le Japon ont également été mises sur la table. Une condamnation formelle sans aucune répercussion sur la politique invasive du totalitarisme.
La réunion au cours de laquelle Malraux obtiendra le soutien de la République pour son nouveau projet de film aura lieu dans la matinée du lundi 16 mai[xxxi]. Avec son verbe torrentiel, Malraux présentera ses projets, le soutien qu’il espère trouver aux Etats-Unis, où on lui a promis 1.800 salles de cinéma, et dont l’accès sera facilité par le projet de société Corniglion-Moliner. Ils l’écoutent poliment, mais en regardant l’heure. Le président du Conseil, le samedi précédent, lors de la réunion de la Députation permanente, a expliqué ce qui s’est passé à Genève, un succès selon lui. Azaña écrira dans ses mémoires : « Negrín a expliqué la situation : les affaires militaires et internationales se sont améliorées. Genève a été un triomphe. Les difficultés d’approvisionnement s’accroissent, en raison du manque de devises étrangères ; crédits bloqués ou contestés. Mais tout cela va s’arranger.[xxxii] »
C’est précisément la question des devises qui constitue l’obstacle le plus important. Álvarez del Vayo a fait une rupture nette. « Nous vous aiderons de toutes les manières possibles », a-t-il déclaré. « Mais uniquement en pesetas, pas en devises étrangères. Du matériel aussi, une voiture, un camion, un logement, de l’entretien… mais pas de devises. L’Espagne se trouve à un moment critique. Nous l’avons soigneusement analysé avec Méndez Aspe. Il n’y a pas de devises ». Ce à quoi Malraux s’oppose :
— mais nous avons déjà une équipe technique de premier ordre à moitié d’accord : Page, Marion, Thomas, même Peskine envisagent de nous rejoindre pour le scénario technique. Comment allons-nous les payer ? Et les francs que je vous ai remis hier ?
— Merci, merci beaucoup pour vos efforts. Mais il y a des blocus partout, à commencer par votre pays — Malraux secoue sa frange, inquiet. Il ne m’attendait pas à cette pique —. Sánchez Arcas, sous-secrétaire à la Propagande, a déjà les instructions. Il ne faut pas perdre de temps, mais il n’y a pas plus de bois que ce qui brûle.
Ils lui avaient déjà apporté leur soutien dès les balbutiements du projet, lors du IIe Congrès international des écrivains en défense de la culture ; Ils étaient au courant de son voyage aux États-Unis ; Ils étaient convaincus que leur film surpasserait de loin Terre d’Espagne d’Ivers et Hemingway, mais il n’y avait pas de monnaie étrangère.
Les marchandages se poursuivront à midi au ministère de l’Instruction Publique. Assisté du sous-secrétaire à la Propagande, l’architecte madrilène Manuel Sánchez Arcas, ami de Picasso et d’Alberti, ils conviennent finalement que l’aide de la République pour un projet de film s’élèvera à 100 000 francs et 750 000 pesetas[xxxiii]. Finalement, une recommandation de celle-ci qui sera déterminante : je vous recommande de vous rendre au secrétariat du Conseil Général du Théâtre ? Vous y retrouverez Max Aub, qui pourra sûrement être d’une grande aide pour recruter des acteurs espagnols. C’est un homme enthousiaste et travailleur. Vous pouvez lui faire confiance. Et ils se quittent en se souhaitant bonne chance.
Malraux part immédiatement à la recherche de celui qui sera son plus proche collaborateur sur le tournage et, désormais, un ami personnel pour la vie. Il se souvient de lui dès les premiers jours de la guerre, à Madrid, et aussi de son accueil à Valence, l’année précédente, à la suite d’un congrès[xxxiv]. Mais Aub n’est pas là. La journée précédente avait été très chargée avec l’inauguration de la Maison de l’Acteur Catalan[xxxv], à laquelle avaient participé le ministre du Travail, Aiguadé, et de nombreuses autres personnalités, tant du gouvernement de la République que de la Generalitat, ainsi qu’une multitude d’acteurs et d’actrices, bien connus d’Aub. Ce dernier n’est pas apparu dans son bureau de toute la journée, réglant les détails et les engagements qui avaient surgi dans les conversations pendant la cérémonie.
Déjà à l’hôtel, lors d’un bref rafraîchissement, Malraux et Corniglion-Molinier font le point sur ce qui a été accompli, et ce qui reste à faire. Bien entendu, ils ne pourront embaucher aucun acteur qui ne soit pas espagnol. De plus, Sánchez Arcas a clairement indiqué qu’il serait nécessaire d’embaucher le maximum de personnel espagnol, non seulement les acteurs, mais aussi les techniciens, d’avoir un représentant syndical et d’autres impositions qui gêneront sûrement le déroulement du film. Il devient également clair que l’intégralité du film devra être tournée en Espagne, qui sait où ! Franco avance et ne s’arrêtera pas. Les 13 points de Negrín sont raisonnables[xxxvi], mais les fascistes y verront un signe d’épuisement. Il faut se dépêcher, conviennent les deux amis. Le chapitre économique étant en bonne voie, Édouard partira le lendemain pour Paris dans son petit avion.
Un autre problème se profile : depuis que le gouvernement de la République a décidé de déménager de Valence à Barcelone, fin octobre 1937, les frictions avec le gouvernement catalan sont constantes. Si d’un côté on se méfie de la loyauté de Companys et de la Generalitat face à une situation de guerre de plus en plus difficile, ce dernier reproche à la République, en particulier Negrín, son arrogance et sa prise en charge de responsabilités qui lui incombaient jusqu’alors. Ce conflit va ennuyer le tournage du film, rendant difficile pour l’équipe de savoir à quelle administration s’adresser pour demander du matériel ou le financement[xxxvii]. D’autant plus qu’Aiguadé et le basque Irujo vont démissionner au moment où va commencer le tournage.
Peu après, deux représentants de Film Popular sont venus les chercher. Cette société avait succédé à la Coopérative ouvrière cinématographique et, bien qu’elle puisse être considérée comme le porte-parole des communistes PCE et PSUC, ainsi que de leur syndicat UGT, elle a élargi son activité en coopérant avec d’autres organismes de diffusion et de propagande, comme le disait sa publicité : « Entreprise commerciale antifasciste, au service de la République », qui visait à la convergence de différentes pratiques cinématographiques, comme la production et la distribution[xxxviii]. Miravitlles leur avait parlé du projet de Malraux quelques jours auparavant. Ils commentent le dernier numéro de leur bulletin, comparant le coût de La Marseillaise de Jean Renoir (10 millions de francs) avec ce qui a été accordé par la République à Malraux.
Assis dans la salle de projection, la séance commence avec Woman in War, un documentaire de six minutes, réalisé par Maurice Sollin en 1937 et le documentaire sur le Pavillon espagnol de l’Exposition de Paris, dans lequel on peut voir différentes personnalités qui n’attirent pas l’attention de Malraux. À sa demande, on lui montre les nombreux programmes quotidiens d’information sur l’Espagne[xxxix], parmi lesquels le Français peut voir quelques plans qui pourraient ensuite être utiles dans le montage de Sierra de Teruel. Le documentaire La Conquista de Teruel, réalisé par Julián de la Flor et produit par la 46e Division d’El Campesino, mérite également son attention. Dans l’obscurité de la pièce, éclairée par la faible luminosité de l’écran, l’écrivain prend des notes sur un carnet : images de chars, avions, mouvements populaires… Certaines précaires, d’autres peut être utiles.
Le lendemain, de bonne heure, Malraux se présente dans les bureaux du Comité central du Théâtre. A l’annonce de la visite, Max Aub l’attend déjà à la porte de son bureau. Des allées et venues, du désordre, des papiers partout[xl]. Max ferme la porte.
Un bref préambule dans lequel ils se souviennent de certains moments passés ensemble, comme à Madrid pendant les premiers jours de la guerre, ou lors du IIe Congrès international des écrivains pour la défense de la culture (Ah, cette paella à Benicarló ![xli] ), Immédiatement, le Français va droit au but :
— On va faire L’Espoir ![xlii]
Le regard stupéfait de Max Aub, qui connaît le roman et connaît par la presse la visite du Français pour tourner un film, est aussi une défense contre une ingérence dans sa vie à laquelle, il sent qu’il ne pourra pas s’échapper.
— Je peux mettre en scène une pièce de théâtre, c’est ce que j’ai fait toute ma vie, mais en matière de cinéma, je n’y connais rien.
—Moi non plus, mais nous allons faire le film.
Des années plus tard, Max Aub reconnaîtra qu’à ce moment décisif « une grande amitié et une grande admiration pour Malraux » s’est noué[xliii].
L’auteur français déploie tout son arsenal d’arguments en faveur du film : 1 800 salles de cinéma aux Etats-Unis, l’équipe internationale de techniciens pratiquement prêtes, l’argent qui lui a été assuré au Trésor et à la Propagande, il évoque même la nouvelle société que son ami Édouard est en train de finaliser, avec laquelle la distribution en Amérique sera un jeu d’enfant. Il sort une coupure de journal :
— Écoute, Miravitlles me l’a donné. Un gars formidable, qui va nous offrir un bureau près de l’avenue 14 d’avril. Le sénateur Nye demande le report de la résolution sur son amendement à l’embargo[xliv]. Cela nous donnera le temps de faire le film et d’influencer l’opinion publique américaine. Et en français ou en anglais. Nous mettrons fin à la non-intervention ! Grâce à cela, la République obtiendra des armes.
Max Aub soupire, dépassé par l’avalanche verbale du Français. Il sait qu’il ne peut pas refuser.
-Qu’attendez-vous de moi ? — d’ailleurs, pouvoir au moins se préparer à l’effort titanesque qu’il pressent.
-Tout. Eh bien traduire le script. Je l’ai assez avancé, mais des choses sortiront toujours. Et s’occuper du staff espagnol. Des acteurs bien sûr, que vous aurez à portée de main compte tenu de votre position. Mais aussi des accessoiristes, des électriciens, pour me guider sur les extérieurs, bref : pour être mon bras droit.
Malraux traite tous ses interlocuteurs comme vous. Ils parlent en français, une langue qui en est propice. Il s’appuie sur le dossier du fauteuil : il le voit dans ses yeux : il ne pourra pas refuser.
Aub, déjà dans son rôle :
— Et les secrétaires ? Quelqu’un devra taper, passer des appels, enfin, ces choses-là…
— Bien-sûr.
—Je vous recommande[xlv] de parler à María Luz, je la connais de La Vanguardia et elle est très efficace. Je dois l’appeler, car je prépare un article[xlvi]. Pour le quotidien, si vous le permettez – André acquiesce en souriant–, je vais parler à une de mes amies, épouse du directeur du Musée d’art moderne de Madrid. L’autre jour, j’ai mangé chez elle et nous avons parlé d’une fille qui parle parfaitement le français et l’allemand, qui travaille au Sous-secrétariat à l’Armement, mais qui se trouve très loin de chez elle et qui aimerait quelque chose de plus central. Je suppose que Miravitlles pense à un bureau sur l’Avenida 14 de Abril, où se trouve le Commissariat et Laya Films. Si c’est le cas, cela conviendrait à la fille. Si vous voulez, je vous la présenterai demain au Majestic. Elle s’appelle Elvira Farreras[xlvii].
-Parfait. À neuf heures. Ensuite, vous pourrez venir avec moi voir les studios de tournage. Miravitlles m’a donné un chauffeur qui nous emmènera. Il aura déjà annoncé ma visite.
La réunion ne dure pas plus longtemps. Max a besoin de respirer, d’organiser les idées qui bouillonnent dans la chaleur du verbe du Français.
-Quelque chose de petit. Les installations sonores semblent assez modernes, mais je veux que soit visible la solidarité du peuple espagnol avec la République assiégée, et cela va nécessiter pas mal de figurants dans la même séquence, et ils ne rentreraient pas — « pas mal de figurants », Max fronce les sourcils.
Ils ont quitté les studios Lepanto. Pas d’activité, l’industrie du cinéma de fiction est quasiment paralysée et les reportages sont réalisés dans les autres studios. Passant devant la Sagrada Familia, ils se dirigent vers Montjuich.
Là, ils entrent d’abord dans les studios Trilla[xlviii]. Sur la façade, il reste encore des restes de l’enseigne « Estudios Dos », nom donné lorsque la CNT socialisait l’industrie cinématographique. Ils sont reçus par Adolfo de la Riva, copropriétaire avant la guerre et aujourd’hui directeur technique du Conseil Technique Supérieur de Production Cinématographique, un nom pompeux qui a remplacé l’enthousiasme peu professionnel et inefficace de l’époque anarchiste. La rencontre laisse un mauvais goût aux visiteurs. De la Riva évite autant que possible les responsabilités ; Ayant embrassé le communisme plus par commodité que par conviction, il espère seulement survivre au conflit[xlix]. Il les envoie aux Studios Orphea, où son ami Francesc Elías les accueillera.
La journée n’est pas de saison. Il n’y aura pas de bombardement aujourd’hui, commente le chauffeur alors qu’il continue de gravir la partie sud de la montagne de Montjuich, en passant devant le Pueblo Español. Aub indique :
— Regardez, si nous venons à Orphéa, ici nous pouvons trouver des extérieurs à portée de main.
Francesc Elías, tout sourire, les attend à la porte pompeuse des Studios Orphea, l’ancien Palais de la Chimie de l’Exposition universelle de 1929. Ils visitent avec attention les installations spacieuses, où travaillent une centaine de personnes. Il reste encore des traces du tournage de « ! No quiero, no quiero ! »[l], commencé l’été précédent et terminé quelques jours avant la visite.
Elías, directeur artistique du Comité, leur raconte avec fierté, non sans arrogance, que son dernier film, avec un scénario basé sur une œuvre du célèbre dramaturge Jacinto Benavente, une critique du système éducatif traditionnel, a été considéré comme « le film du million » en raison du coût élevé de sa production. Il regrette que, bien qu’ils soient prêts depuis des semaines, les 3 000 mètres de film pour faire le positif ne soient pas arrivés.
Malraux regarde Aub. Le film vierge, malgré les promesses de Sánchez Arcas et Miravitlles de fournir tout le matériel nécessaire, peut devenir un problème. Le Français murmure :
— À mon retour, je devrais parler avec Tual. Nous devons être prêts au cas où nous n’aurions pas de film ici.
— Un million — dit Aub frappé par le montant. Eh bien, si la Propagande nous en donne les trois quarts, plus de francs, cela pourrait suffire.
Malraux ne cache pas une grimace d’incrédulité.
— Quand vous verrez Corniglion, ne lui dites rien – conclut le Français. Son ami et pilote est déjà parti pour Paris à la poursuite de ses rêves.
Ils conviennent tous les deux qu’Orphea Studios est la meilleure option. Situé sur le versant de la montagne de Montjuich, étant donné les défenses anti-aériennes existantes dans le château qui couronne le sommet, il est peu probable qu’ils subissent des bombardements. Oui, il n’y a pas de doute : Studios Orphea. Avec le Trilla comme alternative, Max Aub se chargera de demander les autorisations nécessaires, ce qui ne sera pas facile.
En milieu d’après-midi, une fois la décision prise, ils se dirigent vers l’avenue 14 de Abril, 442 bis, où se trouve le siège du Commissariat à la Propagande de la Generalitat. Miravitlles, avec son sourire jovial, les guide dans une activité chaotique et frénétique.
-Suis-moi. Ici, au rez-de-chaussée, se trouvent mon bureau, les différents secrétariats et le service des publications[li].
Ils montent au premier étage :
—À cet étage, vous pouvez avoir votre quartier général. Il y a la Section des Fêtes caritatives et l’équipe de conseillers du Commissariat – il tait qu’il s’agit d’un groupe d’intellectuels qui ont réussi à se tenir à l’écart des campagnes de recrutement. Dans cette salle, vous pouvez tenir vos réunions.
Il ouvre la porte. Il y a encore beaucoup de jouets de la campagne Setmana dels Infants, de la première semaine de janvier. Il le referme immédiatement. Ils montent. Il s’arrête sur le palier.
— Ici, vous allez être émerveillés. Vous disposerez d’une salle de projection parfaitement équipée. Et les gens de Laya Films, -qui salue en passant-, vous aideront en tout et pour tout.
Au dernier étage, enfin, ils saluent l’équipe de correcteurs et de traducteurs, indispensables au travail épuisant de propagande internationale mené par le Commissariat. L’un d’eux montre un exemplaire de Solidaridad Obrera.[lii] Regarde, dit-il, on parle de toi quand tu es allé visiter Film Popular. C’est vrai que tu vas tourner en France ?
Miravitlles lui coupe la parole :
— Non. Il la fera ici, et il s’installera aussi avec nous. Nous l’aiderons avec tout et pour tout. Et maintenant ça suffit. Allons dîner. Est-ce que vous aimerez retourner à La Puñalada ?
La dernière journée complète de son séjour à Barcelone sera consacrée à faire le point sur la situation et à la planification des prochaines étapes. Malraux, contrarié de ne pas pouvoir avoir d’acteurs français, remet à Max Aub les photographies des candidats recalés.
L’Espagnol les regarde attentivement puis, désignant le visage de Von Stroheim, dit avec un demi-sourire sous ses épaisses lunettes :
— J’ai celui-là. Eh bien, oui, vous le voulez. Il ne vit pas à Barcelone mais à Lloret de Mar. Il était dans la Maison de l’Acteur. Il pensera à son avenir, je ne pense pas qu’il refusera.
— Comment s’appelle-t-il ? — demande Malraux, prêt à l’écrire dans un cahier.
— Pedro Codina[liii]. C’est très célèbre ici. Et de gauche, du moins je le crois. Il est important que ceux qui travaillent sur le film aient un bon dossier. On ne sait jamais. Il fait, ou a fait, du vaudeville, mais aussi du théâtre un peu plus substantiel. Et j’espère que son accent catalan ne transparaît pas.
— Bien, bien. Pour les autres, vous verrez qui vous pouvez appeler quand vous lirez le projet de scénario que je vous ai donné. Les rôles de Peña, le commandant, de Muñoz, son second, et de José, le paysan qui passe les lignes, sont importants. Et bien d’autres encore, bien sûr.
Aub sourit. En voyant la photo de Pierre Larquey, lui vient immédiatement à l’esprit José Santpere[liv], qui l’avait tant fait rire dans les vaudevilles du Paralelo. Lorsqu’il a participé à la première de L’Auca del Senyor Esteve en 1917, la pièce a été très applaudie. Il signale à Malraux :
— Demain, je vais le voir chez lui, rue Caspe[lv]. Je suis sûr qu’il sera enchanté par le projet. Et avec un sourire, ils trinquent avec le vin blanc de Penedés qui a égayé leur après-midi.
En quittant l’hôtel Majestic, ils descendent le Paseo de Gracia jusqu’à la Plaza Cataluña. Bien que tombant quelques gouttes, ils décident de continuer le long des Ramblas jusqu’à Escudillers. Ils s’arrêtent à Los Caracoles. Le poulet rôti aromatique est servi par Ramon Bofarull lui-même, ancien propriétaire et désormais responsable après la collectivisation de l’établissement, une taverne fondée en 1835 et un restaurant depuis 1934[lvi].
Max et André parlent longuement du projet qui prend forme. Loin de La Puñalada et de l’arrogant Met, que le premier n’apprécie pas beaucoup. Ils parlent aussi du roman de Malraux dont certains passages serviront de base au film. Aub demande :
— Avez-vous vu La Vanguardia d’hier ?
Malraux nie d’un geste.
— Vous souvenez-vous de l’attaque de l’aérodrome que vous décrivez dans votre roman[lvii] ? Eh bien, lundi, de nombreuses Fiat italiennes ont été détruites à Caudé[lviii]. Oui, près de Teruel.
Malraux pince les lèvres. Que de souvenirs. L’avion s’est écrasé après le combat. Belaïdi, Florein… Le sauvetage, la solidarité. Bien que non, l’attaque contre un aéroport grâce aux informations d’un courageux agriculteur s’est produit dans une autre zone, à Arévalo, de l’autre côté des montagnes de Madrid. C’était dans les premiers mois : l’apocalypse, l’énergie débridée, l’abandon total, sans objection, sans réserve. Et maintenant Franco est en Méditerranée et Lérida entre ses mains depuis un mois[lix].
Ils se disent au revoir tard, éméchés, à la porte de l’hôtel. Ils se reverront dans quelques jours. Maintenant André doit clore les dossiers à Paris. Parler à Tual, bien sûr, mais finaliser également des contrats avec Page, Marion, Thomas… Le plus difficile est peut-être celui de Peskine, en raison de ses exigences et du manque de devises. Il va falloir penser à un prêt relais. Il en discutera avec Corniglion et aussi avec Gallimard.
Aub, de son côté, recherchera désormais des assistants espagnols. Il a pensé aux frères Miró pour les accessoires et à Vicente Petit pour les décors, il les connaît grâce à son activité théâtrale à Valence. Pour les acteurs, une fois Santpere fermé (il n’y a eu aucun obstacle, malgré sa santé délicate), il retrouvera une connaissance d’avant l’insurrection, ah, ce théâtre combatif ! Mejuto, acteur du groupe Anfistora[lx], qu’il a fréquenté pendant ces mois de vertige à Madrid. Il pense qu’en raison de son âge, il sera désormais dans l’armée. Il le cherchera. Il localisera également Pedro Codina, dans sa maison de Lloret de Mar. Et Nicolás Rodríguez[lxi] peut être un bon brigadier, grand et mince. Sa tête fourmille d’idées. Comme toujours.
Dans la voiture qui l’emmène à l’aéroport, Malraux se sent satisfait des démarches entreprises en si peu de jours. Aub s’affirme comme un bon gars, en phase avec ses rêves. Le studio, les bureaux du Commissariat, même une secrétaire et un acteur déjà convenus. Oui, maintenant le plus dur l’attend : la partie économique. Mais comme toujours, il est convaincu qu’il réussira, aussi difficile que cela puisse paraître. Et Clara, sa jalousie (justifiée), s’accroche à son cercle d’amis avec lesquels il n’a pas envie de rompre. André est déterminé à ce que Josette l’accompagne à Barcelone tout au long du tournage. Il sait que cela mettra Clara en colère. Il craint qu’elle soit capable d’un scandale. Mais il ne se voit pas capable d’affronter un projet comportant autant de risques et autant de besoin de dévouement tout en étant attentif à sa femme. Josette sera différente, même si cela dérange la première. Il sent qu’il va finir par divorcer, mais pas maintenant, pas maintenant. Il sait qu’elle a présenté le manuscrit de son Livre de comptes à la NRF, Paulhan ne pourra pas refuser de le publier, mais le sournois n’en a pas parlé à celui qui, malgré tout, est toujours son mari[lxii]. Clara est sans doute influencée par Elsa Triolet, qui vient de sortir Bonsoir Thérèse, son histoire d’amour avec son ami Louis Aragon. Que dira-t-il de leur relation qui se dégrade ? Souhaite-t-elle régler ses comptes par écrit ?
L’avion décolle avec deux heures de retard en raison du mauvais temps, ce qui empêchera également d’éventuelles rencontres avec des avions fascistes. Dans quelques semaines, il sera de retour.
EN SAVOIR PLUS :
ANDRÉ MALRAUX ET MAX AUB : L’Espagne au cœur de l’amitié. (Gérard Malgat)
3.3. JUIN 1938 -Boris Peskine.
– Avez-vous reçu vos nouveaux avions ?
– On était un contre huit.
– Arrêtez, encore du théâtre ! Santpere, plus de drame. C’est le message clé de tout le film : mettre en évidence l’inégalité par rapport à l’armement que reçoivent les rebelles et le blocus du gouvernement légitime de l’Espagne.
Max Aub, dominateur comme peu de la langue espagnole, n’a cependant pas perdu sa touche française : grebeldes.
Mejuto, qui vient d’entrer, le regarde d’un air las. Il le fait bien, et il le sait. Mais José Santpere a du mal à s’adapter au dramatique nécessaire, oubliant ses décennies de comédien dans le Parallèle.[lxiii]
– Regardez le journal d’aujourd’hui : «Les bombes des pays interventionnistes atteignent un bateau hollandais». Pepe, comment penses-tu que les pilotes qui ont essayé de repousser l’attaque se sentaient hier ? Et l’équipage du navire hollandais touché par les bombes, hein ?[lxiv]
Malraux, dans un coin, le regarde satisfait. Il est conscient d’avoir fait un bon choix. Il est certain que Corpus Barga, l’autre candidat potentiel à la direction, n’aurait pas la même implication.
Lundi, 6 juin, les répétitions ont commencé dans une dépendance de Laya Films à défaut de l’autorisation de s’installer définitivement dans l’un des studios de Montjuich. Un scénario encore à compléter et avec seulement trois des acteurs prévus : Mejuto (Severiano Andrés de nom), Santpere (José) et Del Castillo (Miguel), qui ne s’est pas présenté aujourd’hui. Respectivement : Capitaine Muñoz, Comandante Peña et Carral, dans le film.
Ils occupent une petite pièce. Les acteurs, encore avec le papier tapé la veille dans ses mains.
-On recommence», grogne Max.
Malraux regarde sa montre. Il attend que son assistant l’interrompe encore une fois avec des insultes. Is s’approche de lui et dit :
– Je dois aller à l’aéroport. Boris arrive aujourd’hui et je veux qu’il se sente bien accueilli. Vous continuez. Rendez-vous à votre hôtel.[lxv]
Il va arriver avec une heure de retard. Au ministère, on lui a envoyé une petite voiture, une Ford 6 ch. Au Prat, Peskine et Louis Page l’attendent sous un arbre. Il les emmène à l’hôtel Majestic. Après le déjeuner, ils sont rejoints par Max Aub, accompagné d’une belle journaliste russe, Bola, correspondante de la Pravda[lxvi].
Dans l’après-midi, ils visitent le Commissariat de Propagande. Là, ils peuvent saluer les trois secrétaires de Productions Malraux (Marta, Zoé et Elvira). Un futur collaborateur du film, le cameraman Manuel Berenguer les accompagnera au quatrième étage, où ils pourront visionner » Bataillons de montagne» qu’il a réalisé. Puis, de nouveau au premier étage, ils sont présentés au scénariste et directeur de production Fernando G. Mantilla, qui rejoindra l’équipe de tournage, chargée de superviser l’orthodoxie du tournage selon les critères de la République qui finance le projet. Lui et Piquer, opérateur, les accompagneront pour voir les studios de cinéma disponibles à Barcelone. Bien qu’ils les aient déjà vus, ils veulent renforcer leur décision avec l’avis d’un technicien réputé. Peut-être qu’avec le soutien de Mantilla, Max pourra obtenir les autorisations nécessaires.[lxvii][lxviii]
Ils visitent d’abord les Studios Lepanto, insonorisés en 1935, mais jugés trop petits. À ce moment-là, ils tournent un film surréaliste, avec un cheval en carton qui les stupéfie. Au retour, Peskine et Page discutent à part de l’opportunité d’entrer dans le tournage d’un film en pleine guerre civile et avec des moyens que, malgré la grandiloquence des Espagnols, pressentent qu’ils seront très précaires. Peut-être pour apaiser la tension, Malraux et Aub emmènent les deux Français voire la Sagrada Familia, que Boris Peskine considère comme catalane, anarchiste, surréaliste, mais aussi sympathique et folle. Ils ont traversé des rues bombardées, des sacs terrestres, des entrées d’abris, ce qui pose l’idée du Russe de ne pas rester à Barcelone pendant le tournage, de sorte que, vu son origine, il invoquera des problèmes de passeport en France. Cependant, il reste dubitatif compte tenu de la bonne rétribution promise et des projets de lancement du film aux États-Unis que Malraux a habilement exposés lors du dîner.[lxix]
Le soir, il y a une bonne ambiance : Malraux, Aub, Peskine, Page et la journaliste Bola, rejoints par Pons, un architecte qui avait déjà collaboré à l’escadrille Malraux deux ans auparavant et qui a voyagé dans le même avion.
Le lendemain matin, 9 juin, avec Mantilla, l’équipe va visiter les studios Orphea, les plus grandes et les mieux équipées de Barcelone. Leur voisinage avec le Peuple espagnol, par où ils se promènent, leur fait imaginer déjà extérieurs semblables à Teruel. Malraux les a déjà vus et pour lui, il n’y a pas de doute, mais il veut que Page et Peskine donnent leur approbation et que Mantilla l’entende. Ils sont tous d’accord qu’ils sont les meilleurs, même si l’insonorisation est très faible.
Ils mangent somptueusement avant d’aller voir des extérieurs. Bola leur a apporté du caviar, ce qui ne cesse de surprendre dans une ville en guerre. Puis, dans une voiture officielle, ils se rendent à Montserrat et Cervera à la recherche d’extérieurs. À défaut de Teruel, la montagne magique des catalans pourra faire l’affaire. La voiture les laisse au bord du Llobregat, d’où ils prennent le funiculaire aérien qui les conduit au monastère. Page l’a vu tout de suite :
– La caméra ici, regardant la montagne, nous donnera l’impression que l’avion s’écrase, dans la séquence XXXVI.
En l’absence du scénario technique que préparera le Russe, tous ont déjà intériorisé les idées de Malraux sur le film. Au monastère, les préparatifs sont en cours pour en faire un hôpital. Aub s’embrasse avec
Manolo Altolaguirre, qui s’occupe de la magnifique imprimerie.[lxx]
– Max, que fais-tu ici ?
– Tu n’imagines pas. Je prépare un film ! Voici Louis Page, un photographe de renom. On cherche des extérieurs qui ressemblent à Teruel.
– Je termine le poème d’Emilio Prados pour l’Armée de l’Est. Et je prépare un autre César Vallejo. Si tout se passe bien, il y aura une gravure de Picasso signée par lui. [lxxi]
Altolaguirre à son travail, mais apportera un collaborateur qui sera utile dans l’une des séquences, représentant un volontaire arabe. Ajoute :
– D’ailleurs, il y a quelques jours, j’ai rencontré à Barcelone ce jeune homme que j’ai présenté il y a des années à Cernuda. Séraphin, tu te souviens ? C’est peut-être utile pour le film. Il est beau, ça ne fait aucun doute, termine-t-il avec un sourire malicieux. Il est également poète et ami de Fedeerico.[lxxii]
Le commissaire de la Generalitat en charge du monastère, Carlos Gerhard, entre-temps, montre à Malraux les espaces où pourraient se loger les équipes de tournage au cas où il serait tourné sur la montagne. Peskine, absorbé par les incunables de la bibliothèque, tente de s’isoler dans ses pensées : «Est-ce qu’il me convient de collaborer ?» se demande constamment.[lxxiii]
Le Français est de retour.
– Allez, dans la voiture. Nous avons déjà Teruel. Il nous manque Linás. Si, comme Max me l’a dit, Cervera a l’air rural, peut-être que ça ira. Bien que je n’écarte pas ce que j’ai vu au Pueblo Español, si près des studios. Ce serait très pratique.
La nuit tombe quand ils ont fini de faire un tour dans la vieille ville de Cervera. Page a pris des photos.
En chemin, des contrôles constants retardent son retour. Alors que Max Aub dort, épuisé, Malraux, Peskine et Page discutent de cinéma. Le réalisateur est préoccupé par les acteurs qu’il a recrutés jusqu’à présent, en particulier Santpere, habitué au théâtre mais ignorant du cinéma. Il n’aurait certainement pas sa place dans un film d’Eisenstein, référence pour le français.
Ils sont affamés. À quelques kilomètres, ils réveillent Max :
– Cette auberge, où est-elle ?
Le chauffeur indique : nous arrivons à Igualada. Max se déclenche. Il lui indique le trajet et à son arrivée, il se dirige vers la cuisine, annonçant la visite d’un «grand personnage important». Ils dînent bien : «Friture et côtelettes et du vin blanc», se rappellera Peskine, qui à son arrivée à l’hôtel indiquera à Malraux ses conditions pour collaborer au film. Le réalisateur est d’accord sur le principe et, en gage de son accord, il lui remet, en présence de Page, le scénario dont la plupart des scènes sont déjà disponibles.
Le lendemain, les Français rentrent chez eux. Le Russe aura du mal à rentrer en France. Faute d’autorisation, il doit renoncer à prendre l’avion et arrive à Perpignan en voiture, d’où il poursuivra son voyage le lendemain. A Paris, l’attend Roland Tual, qui sera directeur de production de Sierra de Teruel.
Assis au parisien café de Flore, ils accorderont provisoirement une rétribution de 1000 dollars pour leur collaboration jusqu’au 15 juillet. La dernière condition posée par Peskine est de ne pas avoir à se rendre à Barcelone, car étant donné son statut de russe «naturalisé et réformé», il ne veut pas être identifié avec une production républicaine, et évitera au passage les risques dans une ville bombardée, ce que sa femme, que ses amis appelaient CriCri, lui rappelait sans cesse. Corniglion-Molinier et Malraux accepteront les termes de l’accord, qui sera finalement signé le jeudi 23 juin.
L’annotation est peut-être postérieure, puisque Peskine ne mentionne à aucun moment la présence de Tual. Dans ses mémoires, sa femme Denise (Le temps dévoré. Fayard, 1980) mentionne un voyage à la demande de Malraux, mais dans les premiers mois de guerre (page 146). Cependant, la note d’Aub est claire. L’implication de Tual était totale, et le 1 août ils se sont vus à Paris, mais pas à Barcelone.
Les deux hommes se retrouvent de nouveau à Perpignan le samedi 25 juin. Il y a une variation de la rétribution, qui passe à 20000 francs plus une éventuelle participation aux bénéfices lorsque le film sera projeté commercialement. Malraux est euphorique, excité de voir que le début du tournage approche, l’aboutissement d’une trajectoire qui l’a uni au sort de la République espagnole depuis le début de la guerre. Josette, qui l’accompagne, partage cette euphorie. Il dit à son amie Suzanne, le 23 : [lxxiv]«Comme le bonheur fait le bonheur et comme ce climat est agréable ! Comment est-il fait pour cela ! Quand je suis malheureuse, laide et méchante, qu’est-ce qu’il aimerait en moi ? Mais aujourd’hui, il y a quelque chose de si calme entre nous ! Tout est facile quand André est là et qu’on n’est pas à Paris. »
Mais le temps presse. À La Depêche[lxxv] , ils lisent les déclarations du général Miaja, affirmant que Valence pourrait devenir un deuxième Madrid. Pourront-ils mener à bien leur projet ? En France, tout semble facile, mais dans leurs allées et venues de Barcelone, ils assistent aux fréquents bombardements et lisent les nouvelles indiquant que les forces rebelles avancent sur plusieurs fronts. Ils ont finalement écarté Cervera, son hypothétique Linás, comme lieu de tournage malgré les bonnes perspectives vues lors de son voyage quelques jours auparavant. À moins de cinquante kilomètres du front, il serait impossible d’obtenir les autorisations pour un tournage de plusieurs jours. Dans le même journal, ils lisent que depuis le Havre, 194 tonnes d’argent de la République partent en paiement d’achats faits aux États-Unis, ce qui réaffirme la nécessité de terminer au plus vite le film non encore commencé, pour être promu dans ce pays.
Les déplacements subissent quelques retards à la frontière, fermée aux marchandises par ordre verbal du lundi précédent. Au cours des repas, ils commenteront en détail la nouvelle lue dans L’Independant[lxxvi] , qui rapporte l’arrestation de franquistes qui avaient monté un centre d’espionnage à Biarritz, dont le marquis de Rebalzo. Max, qui leur a obtenu le billet et est allé les dire aurevoir, reste pensif. Tant de souvenirs amers sur la campagne de diffamation que certains de ces misérables avaient orchestrés contre lui. Pour ne pas y penser il évoque les rapports répétés d’attaques rebelles contre des navires anglais ou d’autres nationalités, ce qui peut faire repenser la non-intervention. Aub, prenant un café, a noté le numéro du samedi 25, en lisant : «Si les attaques continuent, la Grande-Bretagne appellera son ambassadeur et, si elle ne cesse pas, elle viendrait saisir les exportations d’agrumes et de vin du côté franquiste». Des salauds cyniques, a-t-il dit en frappant la tasse, qui s’est renversée. [lxxvii][lxxviii][lxxix]
À Perpignan Peskine rencontrera à plusieurs reprises Denis Marion, en présence de Malraux et souvent Max Aub. Mme Peskine, Cricri, et Josette, qui est radieuse devant la possibilité de partager cette aventure avec son bien-aimé, se promènent, font des achats, partagent une table avec leurs hommes affairés. Les repas à l’hôtel Victoria provoquent des discussions sur la bouillabaisse et sa sœur catalane, la bouillinade, qui n’incorpore pas de rascasse. Christiane Peskine originaire de Marseille défend passionnément la première. Malraux et Aub, après des jours passés dans une Barcelone en guerre, s’offrent des repas copieux.
Mardi 28, Malraux annonce solennellement qu’on lui a confirmé le transfert de l’argent. Pour fêter cela, ils se rendent à Casteil pour un dîner à base d’omelettes et d’agneau rôti, dans un lieu que l’auteur connaît bien depuis son séjour à Vernet pour rédiger L’Espoir. Peskine, qui casse l’agneau, s’exclame : j’espère que je ferai mieux la coupe technique du scénario !
Retour à Perpignan, chacun à son hôtel. Les Peskine et Malraux au Grand Hôtel, Marion et Aub au Tivoli. Le lendemain, les “Espagnols” (Malraux et Josette, Marion et Aub) rentrent à Barcelone et Peskine s’apprête à faire le scénario technique avec les textes reçus. Cependant, pour soulager la tension vécue, ils passent la journée sur la côte à la recherche d’un hébergement plus détendu, qu’ils trouveront au Grand Hôtel de Banyuls.
Pendant plus de deux semaines, Boris Peskine travaillera intensément, avec quelques pauses durant lesquelles il visitera la côte avec sa femme. En lisant son projet de film, le Russe voit grandir son admiration pour l’écrivain. Il ira jusqu’à dire : “Je ne connais pas un seul metteur en scène travaillant aujourd’hui en France qui approche de lui pour le sens de l’action cinématographique”.
Le travail s’est déroulé comme prévu, de sorte que le mercredi 13 juillet, Denis Marion et son épouse arrivent déjà, et le soir, Malraux et Josette accompagnés de Max Aub. Après un copieux dîner, ils rencontrent Illya Ehrenbourg et sa femme, à la grande joie du russe qui peut parler leur langue avec le journaliste.
Le 14 juillet, fête nationale, suit la révision du travail technique réalisé par Peskine. Malraux est de plus en plus nerveux, la guerre se présente mal pour la République espagnole, l’argent coule au compte-gouttes, certains acteurs n’ont pas encore été engagés et de nombreux collaborateurs sont avec l’épée de Damoclès de la mobilisation.
Bien que le contrat de Peskine soit prévu jusqu’au 15 juillet, les derniers ajustements restent à faire. Malraux, pour l’impressionner, lui suggère que lorsqu’il lancera le film aux États-Unis, il compte sur lui pour l’accompagner. Le directeur voudrait qu’en cas de besoin, Peskine puisse continuer à l’aider, que ce soit à Banyuls ou à Barcelone.
L’histoire nous dit que Sierra de Teruel n’a pas été présentée à Hollywood. Boris Peskine (1911-1991), au début de la guerre mondiale, a été arrêté et interné dans les camps de Drancy et d’Austerlitz, d’où, après une brève période de liberté, il a été déporté à Dachau. Libéré le 5 mai 1945, il reçoit la médaille de la Résistance. Il ne travaillera plus jamais dans le cinéma.
EN SAVOIR + :
VIDEO Malraux en Catalogne (en catalan soustitré en espagnol – 1’30)
BIBLIOGRAPHIE DE BASE DISPONIBLE
AUB, Max (2023) Diarios (1939-1972). Renacimiento, Sevilla.
BETHUNE, Norman (2021) La Desbandà. El crimen de la carretera de Málaga a Almería. Pepitas de calabaza, Logroño.
BONA, Dominique (2010): Clara Malraux – Biographie. Grasset, Paris.
CAMPOS, Miguel I. (2022): Armas para la República. Crítica, Barcelona
CATE, Curtis. (1999) : Malraux. Flammarion, Paris.
CAZENAVE, Michel (1985) André Malraux, Balland, Paris.
CHANTAL, Suzanne (1976): Un amor de André Malraux. Grijalbo, Barcelona.
DELAPRÉE, Louis (2009): Morir en Madrid. Raíces, Madrid
ETTE, Otmar – FIGUERAS, Mercedes – JURT, Joseph (2005). Max Aub – André Malraux. Guerra civil, exilio y literatura. Ed. Iberoamericana, Madrid.
FUERTES, Juan Francisco, MALLENCH, Carlos (2020). La batalla olvidada -Claves de la Batalla de Levante. Divalentis, Castelló.
GALANTE, Pierre (1971) Malraux, una vida novelesca. Aymà, Barcelona.
GRAHAM, Helen (2019) La República española en guerra (1936-1939). Debate, Barcelona.
GRELLET, Gilbert (2016) Un été impardonnable. Albin Michel, Paris.
HEIBERG, Morten y MOGENS, Pelt (2005) Los negocios de la guerra. Armas nazis para la república española. Crítica, Barcelona.
HEMINGWAY, Ernest (1978) La quinta columna (teatro). Bruguera, Barcelona.
HIDALGO DE CISNEROS, Ignacio (1977) Cambio de rumbo -I y II. Laia, Barcelona.
HOBSBAWM, Eric (2006) Historia del siglo XX. Crítica, Barcelona.
HOWSON, Gerald (1998) Armas para España (La historia no contada de la G, Civil). Península, Barcelona.
JACKSON, Gabriel (1999) La República Española y la Guerra Civil. 1931-1939. Crítica, Barcelona.
LACOUTURE, Jean (1976) MALRAUX, une vie dans le siècle. Seuil, Paris.
LIGOT, Maurice (2019) Édouard Corniglion-Molinier -Un paladin au XXe siècle. Les 3 colonnes, Burdeos.
LONGO, Luigi (1969) Las Brigadas Internacionales en España. Era, México.
LUENGO, Félix (1996) Espías en la Embajada. Servicios secretos republicanos en Francia. Universidad del País Vasco, Bilbao.
LYOTARD. Jean-François (1996) Signé Malraux. Grasset, Paris.
MALGAT, Gérard (2007) Max Aub y Francia, o la esperanza traicionada. Renacimiento, Sevilla.
MALGAT, Gérard (2010) André Malraux y Max Aub (Correspondencia). Pagès Editors, Lleida.
MALRAUX, André (1995) La esperanza. Catedra, Madrid.
MALRAUX, André (1996) L’espoir. Gallimard, Paris.
MALRAUX, André (2006) Carnet du Front Populaire 1935-36. Gallimard, Paris.
MALRAUX, Clara (1976) La fin et le commencement. Grasset, Paris.
MALRAUX, Clara (1986) Nos vingt ans. Grasset, Paris.
MARION, dENIS (1970) André Malraux. Seghers -Cinéma d’aujourd’hui. Paris.
MARTINEZ PARRILLA, Jaime (1987) Las fuerzas armadas francesas ante la guerra civil española. Ejército, Madrid.
MONGE GIL, Isidoro (2012) Francia ante el estallido de la guerra civil española. Diputación de Badajoz, Badajoz.
NOTHOMB, Paul (2001) Malraux en España. Edhasa, Barcelona.
NOTHOMB, Paul (2005) El silencio del aviador. Funambulista, Madrid.
PICON, Gaëtan (1970) Malraux par lui même. Seuil, Paris.
PRESTON, Paul (ed.) (1999) La República asediada. Península, Barcelona.
RIUS i BOU, Àngels (2023) Impremta i biblioteca a l’hospital militar de Montserrat (1936-1939). PAM, Barcelona.
ROJO, Vicente (2010) Historia de la guerra civil española. RBA, Barcelona.
SALAS LARRAZABAL, Jesús (1971) La guerra de España desde el aire. Ariel, Barcelona.
SHORES, Christopher (1979) Las fuerzas aéreas en la guerra civil española. Ed. San Martín, Madrid.
SOLÉ I SABATÉ, Josep M. i VILLARROYA, Joan (2003) España en llamas – La guerra civil desde el aire. Temas de Hoy, Madrid.
THEILLOU, Françoise (2023) Je pense à votre destin -A. Malraux et Josette Clotis 1933-1944. Grasset, Paris.
THOMAS, Hugh (1978) La Guerra Civil española 1936-1939 (2 vol.) Grijalbo, Barcelona.
THORNBERRY, Robert S.(1977) André Malraux et l’Espagne. Droz, Ginebra.
TODD, Olivier (2002) André Malraux, una vida. Tusquets, Barcelona.
VAILL, Amanda (2014) Hotel Florida – Verdad, amor y muerte en la Guerra Civil. Turner, Madrid.
VIÑAS, Ángel (2007) La soledad de la República. Crítica, Barcelona.
VIÑAS, Ángel (ed.) (2010) Al servicio de la República -Diplomáticos y guerra civil. Marcial Pons, Madrid.
VIVIER, Thierry (2007) L’armée française et la Guerre d’Espagne. 1936-1939. Ed. De l’Officine., Paris.
NOTES:
[i]Ce soir, 38.02.19. Sur la photo.
[ii] Après une première expérience créée en 1926 (Franco Films Productions), devenue propriétaire des studios Victorine à Nice, Corniglion-Molinier monte une nouvelle société de production avec l’aide de deux collaborateurs d’exception : Roland Tual, directeur adjoint de Pathé, et sa femme Denise, qui sera celle qui choisira les pièces à porter à l’écran. En LIGOT, Maurice (2019). Édouard Corniglion-Molinier, un paladin au XXe siècle. Burdeos, Les trois colonnes. Page 90
[iii] Réalisé par Robert Siodmak et interprété par Harry Baur, il a été distribué par Pathé Consortium Cinéma. Son peu de succès rend plus difficile les collaborations ultérieures.
[iv] Roman des années 20 de J. Storer Clouston, publié par Phillip Allen à Londres en 1934, qui a servi de base au scénario de Drôle de Drame.
[v] Denise Tual l’explique dans Le temps devoré. Paris, Fayard. 1980. Page 123
[vi] MARION, Denis (1970) André Malraux. Seghers, Paris. Col. Cinéma d’aujourd’hui. Page 13.
[vii] https://www.filmaffinity.com/es/film221155.html
[viii] Le groupe de théâtre Octobre, proche du Parti communiste français, s’était dissous en 1936, après le triomphe en France du Front populaire, en partie à cause de divergences entre trotskystes et staliniens. https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Octobre
[ix] Il signera ses livres et articles sous le pseudonyme de Denis Marion, nom avec lequel il apparaîtra désormais dans cette publication
[x] Curieusement, les épouses de l’acteur Jean Gavin et du producteur allemand UFA en France, Raoul Ploquin, après avoir vu Drôle de Drame, ont convaincu leurs maris, lors d’un dîner au restaurant Chez Allard , d’appeler Marcel Carné, directeur de celle-ci, pour diriger aussi Le Quai de brumes, une évocation pittoresque des bas-fonds de Montmartre, autour du cabaret Le Lapin Agile. Il sortira le 18 mai 1938 et remportera (comme Sierra de Teruel) le prix Louis Delluc. BARON TURK, Edward (2002). Marcel Carné et l’âge d’or du cinéma français 1929-1945. Paris, L’Harmattan. Page 93.
[xi] MALRAUX, André (1996). L’Epoir. Paris, Gallimard -Folio Plus. Page 181.
[xii] Jean Renoir, 1937.
[xiii] Schreiner dans le film, enfin interprété par le catalan Pedro Codina. MICHALCZYK, John J. (1977). Andre’s Malraux Espoir: The propaganda/art film and the Spanish Civil War. Mississippi University. Page 29
[xiv] Comentando dicha colaboración, Denise Tual apunta: Roland Malraux n’arrivait pas à prendre son travail d’assistant avec gravité, c’était plutôt un jeu pour lui. (TUAL, Denise (1987). Au coeur du temps. Carrère Ed. Paris. Page 139. En https://malraux.org/tual1-2/
[xv] Pathé a été acquise en 1929 par le financier roumain Bernard Natan, qui a mené une politique expansionniste qui s’est heurtée à la grave crise économique mondiale, jusqu’à se déclarer en faillite en 1935. Natan serait emprisonné pour mauvaise gestion et fraude. Il est libéré en 1942, mais lui ayant retiré la nationalité française, il est déporté et meurt la même année à Auschwitz. (fr.wiki)
[xvi] http://www.afmd-allier.com/PBCPPlayer.asp?ID=537374
[xvii] https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/48128_0 (Sur les routes d’acier. 1938)
[xviii] Le Déluge, 14.5.1938
3.2.
[xix] ALBERTÍ, Santiago et Elisenda (2004. Perill de bombardeig! BCN sota les bombes 1936-39. Barcelone, Albertí Ed. Page 251
[xx] La Publicitat 14.5.1938 page1 / El Diluvio, 14.5.1938 page 8
[xxi] MIRAVITLLES, Jaume (1981) Més gent que he conegut. Barcelone, Destino. Page166
[xxii] Des années plus tard, il écrira : «Il (Malraux) est peut-être l’homme que j’ai le plus admiré, car il était comme une projection bien supérieure de ma propre vie«. (MIRAVITLLES (1981): 165.
[xxiii] La Vanguardia, 15.5.1938, page 7
[xxiv] La Publicitat, 14.5.1838 Page 1
[xxv] El Diluvio, 14.5.1938. Page 8
[xxvi] Voir: https://loquesomos.org/julio-alvarez-del-vayo-ministro-de-estado-de-la-ii-republica/
[xxvii] El Diluvio, 14.5.1938 Page 1 et suv.
[xxviii] Des prisonniers prouvent l’intervention en Espagne. 1938. Royaume-Uni. Société de production : Progressive Films Institute. Réalisateur : Ivor Muntagu. Documentaire filmé avec une caméra fixe et un micro caché, il montre l’interrogatoire de Rudolf Ruecker, lieutenant de l’armée de l’air allemande et du sous-lieutenant italien Gino Poggi. La guerra filmada, dvd nº 3. Filmoteca española, 2009.
[xxix] Las Noticias, 14.5.1938 pages 1 et 4.
[xxx] Ce Soir, 13.5.1938 page 3
[xxxi] PI Y SUNYER, Carles (1977). La República y la guerra -Memorias de un político catalán. México. Ediciones Oasis, SA. Page 477 et suiv. Sur la question judiciaire : PAGÈS, Pelai (2015). Justícia i guerra civil. Barcelona, Ed. Base, où il analyse la position des différents partis catalans.
[xxxii] AZAÑA, Manuel (1996). Memorias de guerra 1936-1939. Barcelona, Ed. Crítica. Page395
[xxxiii] Le taux de change en 1938 était de 20/21 FF/USD ; 8,6 Pta/USD. MICHALCZYK, John J. (1977). Andre’s Malraux Espoir: The propaganda/art film and the Spanish Civil War. Mississippi University. Página 29 (note)
[xxxiv] Voir la première partie (en espagnol pour le moment) de LA VERDADERA HISTORIA DEL RODAJE DE SIERRA DE TERUEL. https://www.visorhistoria.com/sierra-de-teruel-antecedentes/
[xxxv] La Vanguardia, 17.5.1838. Page 2
[xxxvi] Publié le 20.4.1938, il s’agissait d’un programme politique raisonnable qui espérait, sans succès, être adopté par les puissances occidentales. https://www.ecorepublicano.es/2015/03/mayo-de-1938-los-trece-puntos-de-negrin.html
[xxxvii] PI SUÑER, Carles (1975). La República y la guerra. Memorias de un político catalán. México, Ediciones Oasis SA. Pages 477 et suiv..
[xxxviii] SALA NOGUER (1993): El cine en la España republicana durante la guerra civil. Bilbao, Mensajero. Page 129
[xxxix] CAPARRÓS (1977): El cine republicano español 1931-1939 Barcelona, Dopesa. Page 166
[xl] Situation décrite sous forme de roman dans : CISTERÓ, Antoni (2017). Champ d’espoir. Baixàs, Balzac Ed. Chapitre 1 (en espagnol) dans : https://www.visorhistoria.com/campo-de-esperanza-1/
[xli] https://www.visorhistoria.com/une-pause-a-benicarlo-1937/
[xlii] «Combats d’avant garde : Les souvenirs de Max Aub«. Série d’entretiens réalisés par André Camp. France Culture, mai 1967. Archives de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), Paris, France.
[xliii] agnifique portrait de Mallraux dans : AUB, Max (2001). Cuerpos presentes. Segorbe, Fondation Max Aub. Pages 199-201.
[xliv] Las noticias. 14.5.1938. Page 4.
[xlv] Pour une meilleure compréhension, Aub, un Espagnol, utilisera souvent le «tuteo» dans ses dialogues. Ce qui n’est pas le cas de Malraux, qui avait l’habitude de s’adresser à tout le monde en disant «usted» (vous).
[xlvi] “Una muchacha española”. La Vanguardia, 29.5.1938. Page 4.
[xlvii] “Testimonios”. Sierra de Teruel, cincuenta años de esperanza. Archivos de la Filmoteca, Año 1, nº 3. Valencia. Page 288.
[xlviii] À l’époque, il était géré par le SIE anarchiste et n’avait que peu d’activités. À partir de 1940, il est rebaptisé Estudios Trilla-Orphea. https://www.enciclopedia.cat/diccionari-del-cinema-a-catalunya/trilla-la-riva.-estudios-cinematograficos-espanoles
[xlix] SALA NOGUER (1993). Page 58.
[l] SÁNCHEZ OLIVEIRA (2003). Aproximación histórica al cineasta Francisco Elías Riquelme (1890-1977). Sevilla, Universidad de Sevilla. Pages 120 et suiv.
[li] PUJOL, Enric. “Primera noticia general del Comissariat de Propaganda de la Generalitat de Catalunya (1936-1939)”. Dans : La revolución del bon gust. Barcelona, Viena Edicions. Pages 35 et suiv.
[lii] Solidaridad Obrera. 17.5.1938, Page 3.
[liii] Pedro Codina y Mont (Lloret de Mar, 31 octobre 1880 – Buenos Aires, 25 mars 1952). Acteur de théâtre qui s’est distingué par son rôle de «Manelic» dans Terra Baixa d’Angel Guimerá. Il a joué en catalan et en espagnol, en Espagne et en Amérique latine.
[liv] Interview très illustrative et amusante de sa fille, Mary Santpere, dans laquelle elle parle de la collaboration de son père dans la Sierra de Teruel. Avant la projection d’Espoir sur TV3 le 11.7.1986. Dans : https://www.visorhistoria.com/anexos/videos/
[lv] TV3. Cinema de mitjanit. 11.7.1986. Déclarations de sa fille, Mary Santpere.
[lvi] https://urbanexplorerapp.com/restaurante-los-caracoles-barcelona/historia/
[lvii] MALRAUX (1996). L’espoir. Paris, Gallimard (Ed. Folio plus) Pages 538 et suivantes pour toute la séquence du paysan et de l’attaque de l’aérodrome de Franco..
[lviii] La Vanguardia, 17.5.1938. Page 1.
[lix] THOMAS (1978), La guerra civil española. II, Barcelona, Grijalbo. Page 861. Lérida était tombée le 3 avril.
[lx] UCELAY DACAL, Margarita. “El club teatral Anfistora”, dans: Dougherty, Dru y Vilches, M.F. (coord.) (1992). El teatro en España: entre la tradición y la vanguardia 1918-1939. CSIC-Fund. García Lorca.
[lxi] https://www.visorhistoria.com/nicolas-rodriguez/
[lxii] BONA (2010), Clara Malraux – Biographie. Paris, Grasset. Page 325. (Malraux est clairement reflété dans le personnage de Marc).
[lxiii] Andrés Mejuto, alors capitaine de l’armée, nous raconte son expérience : «Ils sont venus me chercher pour faire l’affaire d’André Malraux et ils ont dû m’autoriser parce qu’ils l’ont demandé du siège de l’armée… Des personnes liées à Federico Garcia Lorca, qui était en contact avec Malraux et Max Aub, lui ont indiqué qu’il avait fait des choses en tant qu’acteur et il m’a appelé à Barcelone en 1938«. Mais peut-être dramatise-t-il la situation (ou non). «Le tournage était fait en morceaux, bombardéments, fuyant le bâtiment parce que nous savions qu’ils venaient pour bombarder. Franco savait que ce film était tourné ici et faisait tout pour l’éviter» («Témoignages». Dans la Sierra de Teruel, 50 años de esperanza. Archivos de la Filmoteca. Année 1, nº 3. Valencia, Filmothèque de la Generalitat Valenciana. Page 204)
[lxiv] La Vanguardia, 8.6.1938. Page 1
[lxv] Boris Peskine a collaboré au scénario. Une bonne partie de ce chapitre est basé sur ses mémoires, non publiées, mais visibles à :: http://docplayer.fr/187080876-Notes-de-boris-peskine-a-propos-de-la-preparation-du-tournage-de-l-espoir-juin-juillet-1938.html
[lxvi] Il s’agirait très probablement de Maria Osten, maîtresse de Mikhaïl Koltsov, qui était déjà parti pour l’URSS, où il serait arrêté et fusillé plus tard (comme le fut Maria elle-même peu après). https://www.fronterad.com/devorados-por-stalin-la-vida-de-la-periodista-maria-osten/
[lxvii] Documentaire sur l’état-major de l’Armée de l’Est, produit par Laia Films, d’une durée de 10 minutes. CAPARRÓS, José Mª. (1977) El cine republicano español 1931-1939. Barcelona, Dopesa. Page 194.
[lxviii] Biographie complète dans : https://www.filosofia.org/ave/003/c065.htm
[lxix] Le succès de la production cinématographique a fait que les plateaux sonores des studios Trilla et Lepanto, et ceux de doublage d’Adolfo La Riva et de la MGM fuissent inaugurés en 1935. http://www.xtec.cat/~xripoll/hcinec3.htm
[lxx] https://www.visorhistoria.com/clinica-z-en-montserrat-1936-1939/
[lxxi] https:///elpais.com/espana/catalunya/2021-04-13/montserrat-1938-hospital-e-imprimerie de l’Armée républicaine. Elle ne sera publiée qu’au début de 1939, quelques jours avant de quitter le monastère. Curieusement, Picasso signa la gravure le jour même où Malraux et Aub visitèrent Montserrat.
[lxxii] https://www.visorhistoria.com/el-deseo-truncado-serafin/
[lxxiii] https://raco.cat/index.php/QuadernsVilaniu/article/view/107599/135417
[lxxiv] CHANTAL, Suzanne (1976). Un amor de André Malraux : Josette Clotis. Barcelona, Grijalbo. Page 113
[lxxv] La Dépêche, 24.6.1938. P. 2
[lxxvi] L’Indépendant, 23.6.1938. P. 1.
[lxxvii] Ici, un erreur curieux, puisque l’expulsion du représentant franquiste, ainsi que de Bretrán et Musitu et d’autres collaborateurs de l’espionnage franquiste, a eu lieu en été, concrètement, le 30 juillet 1937 ! (BARRUSO BARS, Pedro (2008). Información, diplomacia y espionaje (La Guerra Civil en el Sur de Francia -1936-1940). San Sebastián. Ed. Hiria. Page 132. Journalisme commémoratif ? Ce n’est pas la seule erreur : le marquis de Rebalso (avec s), était alors président de la Gauche républicaine, le parti d’Azaña. L’expulsé fut Francisco de Asis Moreno y de Herrera, comte (non marquis) des Andes. L’image a été obtenue sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k52726411/f1.item
[lxxviii] https://www.visorhistoria.com/1937-max-aub-e-e-e-s-bacilles/ et divers articles de VisorHistoria approfondissant sur le sujet.
[lxxix] L’Indépendant, 25.6.1938. P.1