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LE CINÉMA SOUS LES BOMBES 

Publicada el mayo 14, 2025

LE CINÉMA SOUS LES BOMBES   (CINÉMONDE Nº 529 7.12.1938  p. 1084-1085)

(les notes de fin sont de Visorhistoria)

De notre envoyée spéciale en Espagne.

Suzanne Chantal nous revient d’Espagne où elle est allée voir André Malraux tourner Espoir. Tout commentaire amoindrirait ce reportage objectif, émouvant, humain, le plus grave sans doute qu’ait jamais autorisé le cinéma.

Des touristes curieux qui ont loué un guide pour avoir le droit d’enjamber le fil de fer frontière et de franchir les cent mètres de zone franche jusqu’au revers espagnol du cap Cerbère, clignent vainement les yeux pour apercevoir, niché dans son creux de roches, Port-Bou aux maisons écroulées.

Quelques affiches blanchies de soleil, les canons de la D.C.A. dressés au flanc de la crête pierreuse et le soir, à Cerbère ou à Banyuls, les longs conciliabules aux bistrots et le départ, a peine clandestins, des pesants camions, indiquent seuls qu’il se passe quelque chose, tout près.

Mais dès qu’on émerge du tunnel du chemin de fer, dans une gare béante, à la verrière pulvérisée, aux quais défoncés, on entre dans un monde différent. Des calicots déchiquetés, portant en lettres énormes des phrases de bienvenue et de ralliement, des affiches colorées exhortant à la bravoure, à la pitié ou à la prudence, le « salut » des hommes en uniformes bruns -visages creux et brillant regard- c’est l’accueil farouche et fraternel de l’Espagne. Et déjà on est enveloppé de son haleine hardant, on goûte son épais parfum de sang, de sueur, de crase et de fièvre…

Cette impression première de dénouement total et de possibilités infinies -mais tragiquement vides mais volonté ténue- elle va se confirmer à chaque minute de mon séjour, tandis que je verrai se réaliser, à force de tenace patience, de vaillance et de foi un film sans argent, sans acteurs, sans techniciens, sans tout ce que les autres films exigent. Souvent la lumière manque, et parfois la pellicule. Longues heures d’attente. En ces époques troublées, la meilleure arme, c’est la patience. On attend, on espère, on recommence, on ne se décourage jamais…

La Esperanza[i], le film que tourne André Malraux d’après son dernier roman : L’Espoir, pour le compte du gouvernement espagnol, n’est ni le premier ni le dernier qu’on ait réalisé en Espagne depuis la guerre. Les cinémas de Barcelone qui n’ont jamais fermé leurs portes, offrent à leur programme des films anarchistes : Aube sur l’Espagne[ii], Quierro…, Quierro…[iii],  Barcelone sous les bombes[iv]… Cette production nationale est évidemment insuffisante[v], et comme aucune importation étrangère ne vient alimenter les salles depuis deux ans, on joue et l’on rejoue des films périmés partout ailleurs. Dans les vitrines du Paséo de Gracia, toute ébranlées par le bombardement et renforcées de bandes de papier collé, on voit sourire une Ginger Rogers qui en est encore au Piccolino, ou Simone Simon d’avant Hollywood.

Suzanne Chantal, 1939

Les cinémas sont ouverts et font salle-comble. L’entrée ne coûte pas cher et depuis que les promenades nocturnes sur les Ramblas sont devenues dangereuses, depuis que les défilés de troupes sur les avenues sont quotidiens, les distractions sont rares, pour ce peuple qui a tant besoin d’oublier sa peur et sa faim. Acteurs et témoins d’un grand drame où se jouent leur vie et leur liberté, ces gens s’amusent et s’intéressent pourtant au spectacle des bouderies des héritières américaines, aux grimaces des comiques de vaudevilles. Public facile qui rit de peu, qui applaudit volontiers. Je l’ai vu suivre avec complaisance un impossible film de propagande russe, que le doublage espagnol n’améliorait pas. Puéril et lourd, d’une naïve partialité, ce film déchaînait cependant la colère ou l’enthousiasme des spectateurs complaisants.  Mais la salle s’immobilisait dans le silence, comme fascinée, lorsqu’au franc d’un avion on voyait le fuseau luisant des bombes. Et la réalité reprenait brutalement des droits…

J’étais curieuse des films typiquement espagnols, je les cherchais sur les programmes des journaux, mais jamais je n’ai pu en voir un. Deux fois sur trois, lorsqu’on arrive, on apprend que le cinéma ne joue pas, faute de courant. Une des sources d’énergie électrique qui alimentent la ville est entre les mains des nationalistes, et les phares qui sillonnent, la nuit, le ciel de Barcelone, absorbent presque toute l’énergie de l’autre. Aussi, pas de lumière jusqu’a 7 heures du soir, et souvent pas de courant de toute la journée.

Parfois, on réussit à entrer, le film commence… Mais bientôt il s’interrompt et une annonce que personne ne lit plus tant elle est familière, apparait sur l’écran. C’est une alerte. On est prié d’évacuer la salle le plus rapidement possible. Et, resigné, on sort dans les ténèbres de la rue, dans le silence où l’’on entend que les longs sifflets des « serenos » qui guident les gens vers les abris, des pas pressés sur le gravier des avenues et parfois le cri aigre et dolent d’un enfant éveillé en sursaut.

*

On accède au studio par une allée triomphale de palmiers, bordée de massif de canas flamboyants, entre des palais et des statues, vestiges de la dernière Exposition de Barcelone. Le bâtiment est vaste, imposant, orné de bustes dans des niches, de fleurons et d’un beau perron entouré d’arbustes taillés. À mi-chemin du Tibidabo[vi], on domine la ville, en perspective majestueuse. Une bombe a creusé un entonnoir parmi les massifs et criblé un pan de mur, et tour près on aperçoit le long bâtiment triste d’un camp de concentration[vii]. La moitié du studio a été transformée en caserne[viii], et des nouvelles recrues -des gamins, des vieillards, haves et résolus sous l’uniforme des milices- font l’exercice dans la cour. Le soir, quand on sort, c’est l’heure de la soupe des soldats, et l’odeur de l’huile rance soulève le cœur. Sur les marches du perron de pierres, les miliciens partagent leur triste rata avec leurs femmes et leurs gosses venus d’en bas et plus affamés qu’eux-mêmes. Et, mascottes du studio comme de la caserne, une petite fille très jolie et très sale et quelques chats galeux von mendier à chaque gamelle.

Les studios sont vastes et poussiéreux, mal équipés, incommodes. Mais la bonne volonté supplée tout. La main-d’œuvre et le dévouement ne sont pour rien.

On tourne dans une droguerie. (Suzanne Chantal en lunettes de soleil) (Chantal (1976): 160)

 

Le premier jour, je trouve Malraux dans un vaste décor de droguerie, encombré de balais, de plumeaux, de bocaux, d’alambics de verre et de balances de cuivre. C’est là, dans cette boutique aux volets fermés, que se constitue en toute hâte, aux premiers jours de juillet 36[ix], la milice d’une petite ville menacée par l’invasion franquiste. Les hommes sont là, en vestes de cuir, en combinaisons d’ouvriers, en bras de chemise, avec des visages graves, des mains qui tremblent encore en prenant sur la longue table de manipulation, les revolvers jetés en vrac. Il y en a de tous les âges, depuis le jeune au visage ardent et brun qui a pris spontanément la tête du mouvement[x], jusqu’au vieux si doux sous ses cheveux gris, jusqu’au maigre boiteux qui veut suivre les autres quand même. Quan il s’agit de barrer le chemin, une poitrine, c’est une poitrine…

D’où sortent ces hommes ? De partout. Ils sont le peuple. La plupart sont soldats, mobilisés ici, en service commandé, comme les machinistes, comme les électriciens, comme l’ingénieur du son qu’on est allé chercher sur le front de l’Ebre, en barque… Ceux qui ont un rôle important, ce sont parfois des acteurs de métier, mais aussi des chanteurs de concert, des acrobates, des comiques troupiers, des ténors, et aussi des paysans, des ouvriers choisis parce qu’ils avaient la tête du rôle. Le film achevé, ils reprendront la chemise kaki et le fusil, repartiront vers le front… Et celui qui, dans la scène d’hier, est mort en gros plan, crispant sa main rougie sur une vessie pleine de sang de pigeon, mourra peut-être, demain, anonyme, baigné de son vrai sang…

*

C’est en juin qu’on a commencé de tourner L’espoir[xi], mais Malraux y pensait depuis longtemps, depuis des mois, avant même d’avoir écrit la première ligne de son livre. On peut dire que le roman et le film ont grandi en lui, simultanés, et qu’il les a conçus parallèlement. Le cinéma l’attirait, le passionnait, et l’inquiétait aussi. Car en ayant aisément mesuré les possibilités et compris les principes, il en ignorait la cuisine intérieure. Il y a six mois, il n’avait jamais mis les pieds sur un plateau, et je le retrouve près de la caméra, ayant, comme par miracle, tout appris, tout compris, tout assimilé de ce métier nouveau -et tout entier absorbé par lui, À ses côtés, deux opérateurs venus de Paris, un traducteur espagnol, quelques gauches assistants. Souvent plus d’enthousiasme que d’efficacité, plus de conscience que de compréhension. Mais, habitué à haranguer les foules, il sait le secret de se faire comprendre et obéir, même par de pauvres gens dont il ne parle pas la langue.

Dès la parution du roman, on lui a offert d’en acheter les droits d’adaptation cinématographique, pour la Russie, pour l’Amérique. Mais, craignant de se voir trahi, justement alarmé par les Dernier train de Madrid[xii] et autres Blocus[xiii], il préféra tourner lui-même, en dépit des obstacles de toutes sortes, avec les moyens les plus primitifs, dans cette Espagne qu’il aime, à qui il doit le meilleur de son œuvre.

*

On tourne quand on peut, comme on peut.

En extérieurs, le plus souvent.

Le soleil espagnol est moins capricieux que les éclairages de studio. Dès qu’un avion ennemi est signalé dans un rayon de cinquante kilomètres, l’alarme est donnée et le courant interrompu pour quarante minutes. Il y a parfois trois alertes par jour. Les scènes qui sont alors dans les bains de développement se trouvent gâchées, et il faut les recommencer… Alors, on recommence… Patience, patience surtout, je vous l’ai dit, c’est le grand secret…

Julio Peña

On accepte l’alerte comme une récréation, comme une détente. La pause. Dès qu’elle sonne, que l’ombre grise envahit le décor, on va s’asseoir dans un coin pour écouter un admirable gaillard à dents blanches qui a toujours une vieille chanson espagnole aux lèvres et un bandoléon aux doigts. Ou bien on fait des échanges compliqués de pastilles de saccharine, de petits pains à l’huile ou de barres de chocolat, dans ce pays où l’argent n’a plus de valeur et où on est revenu tout naturellement au troc. Une cigarette passe de bouche en bouche, et encore, c’est un luxe. Lorsqu’on apporte, du Prat, un immense melon d’eau, cadeau d’un aviateur, c’est une vraie fête, et Julio Perra[xiv], un garçon beau comme un dieu qua a tourné pendant des années à Hollywood, ronge jusqu’à l’écorce sa tranche de fruit vert et craquant, sans saveur, qui trompe la faim. Perra joue Attignies, le jeune héros blond de l’escadrille, et on doit le décolorer chaque jour à l’eau oxygénée. Mais, en deux heures, sa barbe dure transparaît en ombre bleuâtre, crève le maquillage, durcit le visage d’archange. Et il faut tout arrêter, pour raser Attignies.

On profite aussi des alertes pour aller prendre l’air, pour repérer un coin où l’on tournera bientôt. André Malraux nous entraine sur les roides pentes de la colline, par-delà les allées sablées du parc. Il cherche un bout de jardin paisible. C’est la qu’un cabaretier tuera un milicien. Quel endroit pour ce meurtre sauvage et silencieux ? Ce rebord de falaise, ourlé de hauts tournesols en velours jaune et brun, qui cachent et montrent entre leurs larges feuilles le toit d’écaille d’une petite église ? Ou cet innocent potager, avec ses salades tendres et ses rames de pois ? ou ce coin d’herbe, derrière une tonnelle somptueusement drapée de clématites ? Sur les passions des hommes, leurs querelles, leurs crimes, la nature jette, tel le manteau de Noé, son vivant tapis végétal.

Il fait beau et tiède. Dans le ciel transparent, on voit passer, minuscules et silencieux, les Fokkers. Mais les bombes vont tomber plus loin, au-delà de la ville et du port, sur Badalona…

Et bientôt le triple feulement de la sirène, annonçant la fin de l’alerte, rappelle tout le monde vers le studio, et le travail recommence…

*

En septembre, le courant étant totalement interrompu dans la journée, on tourne de nuit. Et l’on profite des belles journées pour aller tourner en extérieurs. Malraux a concentré divers épisodes de son livre dans un village : l’organisation des milices paysannes, l’escadrille internationale, et Teruel. Pendant tout le mois de mai, il a sillonné l’Espagne rouge, de Figueras à Valence, repéré des décors et des paysages.Hors du studio, on a tourné dans les rues de Barcelone, et pendant quinze jours à Tarragone, sous un bombardement plus dur, dans une lumière idéale. Mais quelle douceur épargnée, dans les jardins des remparts, plein de figuiers, d’auberginiers et de jasmins !

Et toujours les difficultés sans nombre, insurmontables, toujours vaincues. L’avion promis pour les prises de vues du lendemain vient de se faire descendre. La pellicule attendue au Prat n’est pas arrivée. Pour les scènes d’ensemble, il faut un canon, vingt mitrailleuses, des képis, des galons, quatre avionnettes, et des figurants, et des autorisations, et du soleil…

Pour tourner les plans de la descente de la montagne, on va s’installer à Montserrat, avec toute la troupe, et une figuration monstre de miliciens et de paysans. On doit loger dans un monastère où il y a 1.700 lits. Mais une offensive sur le Segre fait refluer du front de pleins camions de blessés, et les 1.700 lits sont occupés. Alors il faut camper, tant bien que mal, à Collbató, au pied de la montagne. On commence à tourner dès l’aube.

(Suite page 1134)

EN SAVOIR +: UN ARTICLE INTÉRESSANT MUTILÉ

 

 

NOTES:

[i] Curieusement, le titre Espoir a été donné après que le film soit terminé, en France, pour des raisons commerciales, lorsqu’il a pu sortir en 1945. Voir https://www.visorhistoria.com/le-bal-des-generiques-1/  Le titre qui a été envisagé en 1938 était Sierra de Teruel.

[ii] Il s’agit possiblement de Aurora de esperanza (L’Aube de l’espoir) (Antonio Sau, 1938). Filmé à Barcelone, produit par SIE Films et projeté fréquemment, bien qu’il existe un documentaire portant ce titre, réalisé par Louis Frank en 1938.

[iii] C’est peut-être ¡No quiero—, no quiero ! (je ne veux pas…, je ne veux pas…!) (Francisco Elías, 1937). Filmé à Barcelone et produit par SIE Films.

[iv] Documentaire d’une durée d’environ 10 minutes.

[v] Elle ne mentionne pas Barrios Bajos (Pedro Puche, 2937) dans lequel le protagoniste était José Telmo, le González de Sierra de Teruel, qui était fréquemment projeté.

[vi] Il s’agit des Studios Orphea, situés sur la montagne de Montjuic, et non sur le Tibidabo, de l’autre côté de Barcelone.

[vii] Peut-être en référence au village espagnol, transformé en Camp de travail n°1. Voir : BENGOECHEA, Soledad (2004), Els secrets del Poble Espanyol. 1929-2004. Barcelone, Poble Espanyol de Montjuich, page 165.

[viii] Aux Studios Orphea il y avait des locaux du S.I.M. (Service de renseignement militaire).

[ix] D’après le scénario, la droguerie dans les séquences IV et VI.

[x] Il fait référence au personnage de Carral, joué par Miguel del Castillo. Voir: https://www.visorhistoria.com/le-bal-des-generiques-les-acteurs-2/

[xi] En fait, fin juillet ou début août. Voir (en espagnol) : https://www.visorhistoria.com/4-el-rodaje-agosto-1938-1a/#_Toc192353427

[xii] The last train from Madrid (James P. Hogan, 1937)

[xiii] Blockade (William Dieterle, 1938)

[xiv] Julio Peña, acteur qui joue Attignies dans Sierra de Teruel. Voir: https://www.visorhistoria.com/un-topo-en-el-rodaje/

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